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é. de hartmann. — l’axiologie et ses divisions

répondre, sur un autre point, un excédent opposé, si bien que le résultat général s’arrête sur le fil du couteau ou sur le point précis qui marque la limite entre + et -. Les deux autres théories, à savoir l’optimisme et le pessimisme absolus, affirment aussi dogmatiquement que la valeur positive ou la non-valeur négative du monde est, en tout temps, aussi grande que possible (par ex., Leibniz et Schopenhauer).

Le criticisme axiologique, en revanche, ne s’arrête pas à ce cas d’équilibre parfait et constant (cas qu’on peut considérer à priori comme infiniment invraisemblable) ; il ne se perd pas davantage dans la théorie des extrêmes où le châtiment attend tout regard naïf jeté sur les tromperies de l’univers. Il ne conteste ni le résultat positif du bilan universel, comme le fait le pessimisme absolu ; ni son résultat négatif, comme le fait l’optimisme absolu ; ni la possibilité d’un excédent en faveur de l’un ou de l’autre, comme le fait l’indifférentisme compensateur. Il cherche à savoir, premièrement si le bilan universel, à travers les temps, passe d’un excédent positif à un excédent négatif, ou si un excédent constant a été observé ; secondement de quel côté on le constate, étant donnée la moyenne du surpoids flottant pour un certain laps de temps ; troisièmement si l’excédent relevé ici ou là est supérieur ou inférieur à l’erreur probable qui résulte de l’observation. Si l’excédent affectant un côté était plus petit que l’erreur probable, le résultat demeurerait entaché d’une inexactitude telle qu’il perdrait toute valeur pratique et théorique, et il ne nous resterait plus, dans la voie des recherches ultérieures, que l’espoir de diminuer de plus en plus l’erreur probable du résultat jusqu’à la faire tomber au-dessous de l’excédent (du solde, des Saldo). Si, au contraire, l’erreur probable se montre, dès maintenant, inférieure à l’excédent, le résultat peut être admis comme positif ou négatif, autrement dit le criticisme axiologique conclura à un bonisme (bonismus) ou à un malisme (malismus). Au lieu de ces dénominations, on pourrait encore employer celles de méliorisme (meliorismus) et de péjorisme (pejorismus), en tant que le monde du bonisme représenterait le melius, celui du malisme, le pejus, par comparaison avec le zéro de la valeur. Mais comme ces quatre mots ne sont pas pratiques, alors que ceux d’optismisme et de pessimisme ont pris droit de cité depuis longtemps, dans un sons mitigé, non plus absolu, mais relatif ou comparatif, il nous sera permis de nous en tenir à ces deux expressions[1].

  1. En latin, la forme du superlatif, comme on sait, est employée simplement pour accentuer et non pour marquer un sens réellement superlatif. On connaît