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é. de hartmann. — l’axiologie et ses divisions

jusqu’à ce que, devenant le bilan du plaisir universel, elle rejette tout caractère de subjectivité.

La finalité de l’organisation et du processus de l’univers ne fournirait pas une nouvelle unité à côté de celle du plaisir, si elle n’avait d’autre but que l’augmentation du plaisir ; car, dans ce cas, la finalité ne serait que le moyen du plaisir et sa valeur se mesurerait à celle de ce dernier. L’étude détaillée de l’axiologie nous apprendra s’il existe une finalité ayant un autre but que celui de l’augmentation du plaisir dans l’organisation des créatures et dans le processus de l’univers.

La finalité actuelle n’est qu’une étape du développement général du monde : comme telle, elle est le résultat du passé et le point de départ de l’évolution ultérieure. Aussi peut-on donner à l’unité léléologique le nom d’unité d’évolution. Tout changement ne doit donc être appelé que progrès ou développement, car il mène du moins au plus, c’est-à-dire de ce qui, téléogiquement parlant, a une valeur moindre à ce qui a une valeur plus grande. C’est d’ailleurs la raison qui fait que l’unité d’évolution se confond avec l’unité téléologique. La beauté, la moralité et la religiosité elles-mêmes, si elles ne servaient qu’à augmenter le plaisir, seraient tout au plus des particularités ou des modifications de l’unité de mesure du plaisir, et ne serviraient qu’à une vue d’ensemble plus exacte dans les limites de l’estimation d’après l’unité du plaisir. Mais là encore il faudrait distinguer entre l’influence que la beauté, la moralité et la religiosité exerceraient sur les conditions du plaisir chez le sujet, et celles que subirait le plaisir individuel de la part de la beauté, de la moralité et de la religiosité des autres. La beauté, la moralité et la religiosité pourraient de même être considérées comme des particularités ou des modifications de l’unité de mesure de la finalité, dans ce sens que la beauté ne serait que la manifestation sensible de la finalité interne, l’ordre moral de l’univers et l’ordre religieux du salut que des dérivés de l’ordre téléologique général de l’univers. La beauté, la moralité et la religiosité seraient alors des subdivisions de l’estimation téléologique du monde, devant, en tant que divisions intérieures, faciliter la vue d’ensemble. Comme idées et idéaux subjectifs, elles ne seraient que des reflets ou des images de relations téléologiques, et finalement leur valeur objective se bornerait à leur influence sur le processus du développement universel.

Si la finalité du processus de l’univers valait comme unité de mesure par soi et était indépendante de l’augmentation du plaisir dans les autres, la beauté, la moralité et la religiosité pourraient être prises, d’un côté, comme des espèces d’unité téléologiques, tan-