Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XXX.djvu/443

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
433
ANALYSES.œzelt-newin. Phantasie Voustellungen.

ciation du rouge foncé et du rouge clair, quand elle se produit par suite de leur ressemblance, n’est pas une association par contiguïté. — Il nous semble que la difficulté soulevée par M. Œ.-N. n’est pas insurmontable. Deux cas sont à considérer. Regardant devant moi, j’éprouve une perception visuelle, par exemple celle de rouge. Si je ne me la nomme pas à moi-même, si je regarde purement et simplement, il est infiniment probable qu’aucune image sensiblement semblable à la précédente ne sera évoquée. J’ai fait bien des fois l’expérience sur les plus intelligents de mes élèves, et sur moi-même. Elle n’a abouti à aucun résultat. Si, au contraire, je nomme, à part moi, l’image que je perçois ; si je me dis : voici du gris ; alors seulement il m’arrive de me représenter par association une autre couleur ; et la suggestion est d’autant plus sûre que la dénomination de l’image aura été plus précise. Quand je dis à mes élèves : « Vous voyez du gris devant vous ; quelle est l’image que vous suggère immédiatement cette sensation ? » les uns me répondent par l’image d’un son, d’autres par celle d’une odeur, quelques-uns seulement par celle d’une couleur. Mais quand je leur dis qu’ils perçoivent, non pas du gris, mais une couleur grise, tous me répondent que c’est du jaune, ou du rouge, etc., en un mot une couleur, qui est suggérée par la première sensation. Enfin, quand je spécifie avec plus de précision encore, et je dis : Voici du gris cendré, ils cherchent le nom d’une autre nuance de gris. Que conclure de là, sinon que, dans ces sortes de cas, l’association se produit par l’intermédiaire du nom commun aux deux images ? Quand donc, pour me servir de l’exemple de M. Œ.-N. le rouge sombre évoque le rouge clair, c’est que chacune des deux perceptions, quoique perceptions de deux continus uniformes, est désignée par deux mots distincts, dont l’un : rouge, est commun aux deux perceptions. Aussi l’association par ressemblance se ramène, dans ce cas comme dans les autres, à une association par contiguïté.

Que, d’ailleurs, il y ait deux types d’association, ou qu’il y en ait un seul, le problème de la réduction de l’imagination à l’association des idées reste le même. M. Œ.-N. le résout par la négative : 1o Toute représentation est spontanée ; aucune ne sort purement et simplement de l’état antérieur : la spontanéité est seulement mieux marquée dans les représentations de l’imagination ; 2o les souvenirs ne sont jamais identiques aux états primitifs ; ce sont, à vrai dire, des représentations de l’imagination ; il y a donc un cercle vicieux à expliquer celles-ci par ceux-là ; 3o c’est une contradiction que de rendre compte des images nouvelles, par une loi de simple reproduction, comme l’est celle de l’association des idées. Sans doute les éléments de l’image complexe sont, si on le veut, des souvenirs ; mais l’image totale n’est pas une simple juxtaposition de souvenirs : des cheveux et du feu ne font pas des cheveux de feu. « La forme spéciale de l’image » ne s’explique pas par l’association des idées ; 4o la création artistique surtout révèle la spontanéité de l’imagination. Les déclarations de Weber, d’Alb. Dürer,