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ANALYSES.jung. La guerre et la société.

esquisse trop rapide, et qui présente bien peu d’ensemble. Mais il s’est tracé un programme qui d’une part, l’entraîne à des généralités dépassant de beaucoup la question sociologique de la guerre, d’autre part le fait redescendre jusqu’aux questions purement techniques. Son plan, en effet, qui ne manque pas d’ambition, consiste à s’élever de l’idée de la guerre et de la science de la guerre à l’idée de la société et à l’idée de la science en général, pour redescendre ensuite au point de départ, à la science militaire. Nous ne voyons guère l’opportunité d’un plan aussi vaste ; car à propos de quoi ne pourra-t-on parler de la société en général et de la science en général ? Nous ne voyons même pas, ce qui est plus grave, quel parti l’auteur en a tiré. Il est vrai qu’il y a trouvé l’occasion de tenter à son tour, après tant d’autres dont il nous rappelle assez longuement les essais, une classification des sciences. Le propre de cette classification est de se présenter sous la forme d’une abaque, ou table à double entrée, les lignes horizontales correspondant aux divers milieux de la vie humaine, les colonnes verticales aux divers moyens ou facultés que l’homme applique à ces milieux. Le détail de cet essai donnerait lieu h bien des questions. Pourquoi par exemple « l’histoire universelle de l’Évolution » est-elle rapportée au milieu « Les sociétés » et non au milieu « Univers » ? Pourquoi trouve-t-on encore dans cette même case la Biologie qu’on ne trouve pas sous la rubrique « Corps organisés » ? etc. Mais laissons ces critiques de détail puisqu’aussi bien nous ne pouvons mettre le tableau sous les yeux du lecteur. Observons seulement que le principe même de la division d’après les milieux et les moyens s’appliquerait plutôt à une classification des industries qu’à celle des sciences. Encore se demande-t-on s’il est susceptible d’une application bien rigoureuse. Les milieux s’englobent les uns les autres ; comment peut-on les séparer ? Quant aux moyens, ils collaborent en général et par conséquent ne peuvent guère non plus fournir un principe de division, ainsi que le remarquait déjà A. Comte critiquant le principe de la classification baconienne.

Nous voilà bien loin de la question de la guerre. Les premiers chapitres sont cependant consacrés aux questions suivantes : Définition de la guerre, antiquité de la guerre ; la guerre est un jugement (la thèse hégélienne) ; la guerre est une science ; les derniers sont intitulés : Le recrutement ; des modes d’action ; de la direction, de l’exécution et de la transmission ; de l’organisation, de l’instruction ; des peines et des récompenses ; enfin un chapitre final : du droit de la guerre et de ses effets. Nous regrettons que, dans ceux mêmes de ces chapitres qui devaient plus particulièrement attirer notre attention, la marche de l’auteur, entravée par la surabondance des citations, soit difficile à suivre, et que ses conclusions, affaiblies par le manque de netteté dans l’argumentation, soient malaisées à dégager.

Ajoutons en terminant que si l’ensemble laisse quelque chose à désirer, le lecteur trouvera dans l’ouvrage de M. le général Jung