Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XXX.djvu/424

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
414
revue philosophique

vite la série des faits intermédiaires ? Votre esprit pourra n’être pas encore en repos, et réclamera peut-être une meilleure explication, c’est-à-dire une nouvelle série, mais celle-ci pourra prendre fin, et prendra fin en réalité, comme la précédente. Et ainsi pour toutes les autres. Plus ou moins satisfaisantes pour l’élimination du différentiel, elles seront toutes suffisantes pour la détermination causale. Encore une fois, il y a là une preuve de fait, la production de l’effet visé. On ne saurait donc contester la suffisance causale des antécédents immédiats au nom de la régression illimitée dans la recherche des antécédents : il n’y a ni régression illimitée, ni même régression et recherche des antécédents. — Nous en dirions autant à propos de la régression illimitée dans la recherche des concomitants. Et nous ajouterions que, dans le monde du phénomène, si c’est bien le monde des états de conscience qu’il faut entendre par là, il n’y a pas de causes concomitantes ; sauf pour les deux faits nécessaires au rapport et qui ne sauraient se distinguer en cause et effet, tout s’y passe en succession. Après cela, il ne serait pas trop difficile de montrer que les séries ne valent que par leurs termes, et finalement d’établir la suffisance de chacun d’eux relativement à son conséquent immédiat.

La distinction réelle des faits n’est pas plus atteinte que leur suffisance causale. « L’idée du continu, dit M. L., est évidemment donnée à l’esprit dans l’intuition à priori de l’espace. » L’assertion est contestable, mais nous ne voulons pas nier la valeur de l’idée du continu ; nous demandons seulement si elle exclut l’idée opposée du discontinu. En tout cas, M. L. devrait répondre : pas plus que l’idée d’espace n’exclut celle de temps, attendu qu’il admet aussi que l’idée du discontinu est donnée dans l’intuition à priori du temps. Il en est ainsi, il est vrai, « parce que le temps est la forme du sens intérieur et que l’hétérogénéité de nos états de conscience crée une véritable discontinuité naturelle dans leur succession » : mais, encore une fois, le monde des phénomènes, où nous étudions les rapports de causalité, est-il autre chose qu’un monde d’états de conscience ? Il est possible de découvrir dans le phénomène bien des éléments variés : pourquoi pas le continu et le discontinu ? Pourquoi pas aussi le ressemblant et le différent, car nous tenons à distinguer ces deux dualités un peu trop confondues dans la discussion ? Le ressemblant et le différent s’opposent sans doute sur la nature, l’essence, des choses : mais il suffit, pour rendre cette opposition acceptable à la pensée, et conformément d’ailleurs à une étude approfondie des deux termes, de ne pas la pousser jusqu’à la contradiction, de considérer le ressemblant comme un moindre différent, et le différent comme un moindre ressemblant. De leur côté, le continu et le discontinu s’opposent sur l’existence même des choses, et forment bien, comme l’être et le non-être auxquels ils correspondent, une véritable contradiction : mais on se souviendra que le non-être n’est pas une réalité, qu’il ne se place pas positivement en face de son opposé, et par conséquent