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ch. féré. — physiologie de l’attention

le centre de la demi-circonférence de chaque cible, on voit que suivant que telle ou telle cible a été ou non désignée d’avance, le temps nécessaire à parcourir la distance a été moins long ou plus long, et que la précision du mouvement varie en même temps que sa rapidité ; c’est-à-dire que sous l’influence de l’attention le contact s’établit le plus souvent dans le plus petit cercle de la cible, tandis que lorsque le sujet n’est pas prévenu, il se fait souvent dans les plus grands cercles ou même en dehors.

En somme dans l’attention toutes les qualités du mouvement sont modifiées : sa rapidité, son énergie, sa précision ; et il existe une tension générale des muscles qui paraît constituer la condition physiologique du processus. Cette activité musculaire qui joue un si grand rôle dans la physiologie de l’attention, coïncide avec d’autres activités qui ont été moins étudiées, mais ne sont pas moins intéressantes. L’attention qui porte sur la sensibilité gustative, s’accompagne d’une augmentation de sécrétion salivaire : l’eau vient à la bouche sous l’influence de représentations, de sensations gustatives à tel point qu’Eberle pouvait, rien qu’en fixant son attention sur une saveur acide, se procurer assez de salive pour ses expériences. Cet effet de l’attention se reproduit aussi bien chez les animaux que sur l’homme : lorsque Thénard voulait obtenir de la salive pour ses analyses, il prenait un chien à jeun depuis 24 heures, et le plaçait devant un gigot à la broche : l’animal bâillonné, et ne pouvant déglutir, laissait écouler une quantité énorme de salive. Cl. Bernard a employé un stratagème analogue chez le cheval, et il provoquait un écoulement « aussi abondant et aussi continu que le jet d’un robinet[1] ».

Le pléthismographe peut montrer que, lorsque l’attention est dirigée sur l’extrémité d’un membre, il s’y produit une augmentation de volume. On sait bien que chez les hystériques, l’attention peut déterminer des exsudations sanguines (stigmates) ou séreuses (vésication, etc.), ou des gonflements localisés du sein (Dumontpallier), de la glande thyroïde (Luys), s’accompagnant de sensations plus ou moins intenses. J’ai déjà cité le cas d’un individu qui faisait métier d’exhiber ses organes génitaux et de provoquer à volonté, sans aucun mouvement, l’érection et l’éjaculation.

Ces différentes formes d’activité accessibles à l’observation rendent compte des sensations dites subjectives, mais en réalité objectives, qui peuvent se produire sous l’influence de l’attention : « En fixant mon attention sur un point quelconque de mon corps, dit Hunter, je suis sûr de pouvoir faire naître une sensation. »

Ch. Féré.

  1. Cl. Bernard, Leçons sur les propriétés des tissus vivants, p. 381.