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ch. féré. — physiologie de l’attention

du cerveau supprime les activités normales provoquées par des excitations visuelles ou auditives, mais elle ne supprime pas celle qui est provoquée par les excitations cutanées : les excitations de la peau déterminent alors des réflexes exagérés, des mouvements plus rapides et plus énergiques, c’est-à-dire les effets ordinaires de l’attention réflexe. C’est ce qui paraît se passer dans les expériences de M. Fano, chez les tortues auxquelles on a enlevé tout l’encéphale, hormis le cervelet et la moelle allongée, et qui marchent sans s’arrêter jusqu’à la mort. Les principaux effets de l’attention ne sont pas supprimés par l’ablation du cerveau. Le cerveau paraît disséminer les effets de l’attention. Les centres excitables qu’il contient, en se spécialisant et en se multipliant, tiennent sous leur dépendance des activités de plus en plus nombreuses, à mesure qu’on s’élève dans l’échelle animale. Chacune de ces activités, mise en tension par ses excitants extérieurs normaux, concourt à la diffusion de l’énergie ; de sorte que telle activité considérée en particulier ne se décharge que sous l’influence d’une excitation capable de rompre l’équilibre. La multiplicité des excitations, des sensations, des motifs d’action, retarde mécaniquement les décharges, en diminuant la tension locale de l’énergie qui finit toujours cependant par se dégager dans la direction, commandée par l’excitation la plus forte. À mesure que l’intelligence se développe, les mouvements réflexes deviennent moins impérieux ; la multiplicité des motifs d’action donne l’illusion de la liberté du choix. De même que lorsqu’on a supprimé expérimentalement une partie des centres excitables du cerveau, l’excitabilité des centres inférieurs se manifeste avec plus d’énergie ; de même, lorsque les centres excitables sont incomplètement développés, ce qui se traduit par une insensibilité relative, les impulsions, et les réflexes en général, dont les centres ont mieux évolué, sont plus violents et plus incoercibles : c’est ce que l’on voit chez les femmes, chez les enfants, et surtout chez les dégénérés. Le défaut d’attention dans ces conditions ne doit pas s’expliquer par le défaut de développement de centres inhibitoires hypothétiques, mais par le défaut de développement de centres excitables expérimentalement démontrés.

L’énergie et la vitesse des mouvements ne sont pas les seuls effets physiques de l’attention. Dans des expériences destinées à contrôler les résultats donnés par le chronomètre d’Arsonval, j’ai enregistré les réactions aux mêmes excitations cutanées, le sujet pressant une petite poire en caoutchouc. Ces expériences m’ont montré, comme je l’avais d’ailleurs observé précédemment, que l’attention modifie la courbe graphique du mouvement, qui présente une ascension d’autant plus brusque que le mouvement est