Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XXX.djvu/404

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
394
revue philosophique

Dans son livre récent, M. Ribot[1] a résumé les notions actuelles sur la physiologie de l’attention qui est constituée exclusivement de phénomènes moteurs. Ces phénomènes moteurs consistent en mouvements de la face, qui prend une expression particulière, en mouvements des membres qui se présentent avec des attitudes variables et enfin en mouvements du thorax indiquant une suspension de la respiration. Ces phénomènes n’ont pas été l’objet d’une description précise ; on pourrait soutenir qu’ils étaient correctement indiqués dans le vers de Virgile… intentique ora tenebant.

L’absence d’une étude précise des phénomènes musculaires qui accompagnent l’attention a permis tout récemment de contester ces phénomènes musculaires. M. Sully peut affirmer sans s’appuyer sur aucune exploration appropriée, qu’il n’existe aucun mouvement dans les faits d’attention qu’il a observés[2] ; cependant il généralise trop facilement, lorsqu’il affirme en même temps que les sensations ou les représentations de couleur ne déterminent aucun phénomène musculaire ; des expériences démontrent clairement le contraire[3]. Toutes les sensations ou représentations s’accompagnent de tension des muscles, de mouvements réflexes ; or cette tension des muscles, ces mouvements réflexes constituent les phénomènes accessibles de l’attention dite spontanée.

Mais la physiologie n’est pas seulement en mesure de renseigner sur l’existence de mouvements ; elle peut encore étudier les qualités de ces mouvements, leur énergie, leur forme, leur précision, leur rapidité. M. Wundt a montré que sous l’influence de l’attention, le temps de réaction simple diminue à tel point qu’il peut devenir négatif. Je ne pense pas qu’on puisse opposer à la règle souvent vérifiée de M. Wundt, les expériences de M. Münsterberg dans lesquelles le sujet répond par un mouvement d’un des doigts à une excitation préalablement associée au mouvement de ce doigt, sans augmentation du temps de réaction. Ces expériences indiquent que l’attention n’est pas aussi étroitement locale qu’on le suppose.

L’expérience suivante me paraît de nature à rétablir l’accord entre les faits. Les pulpes de l’index, du médius et de l’annulaire sont posées sur les membranes de trois tambours, qui reposent sur un plan soutenant aussi la main du sujet. Chacun de ces doigts doit répondre res-

  1. Th. Ribot, La psychologie de l’attention (Bibl. de phil. contemp.), in-18, 1889.
  2. J. Sully, The psycho-physical process in attention (Brain, part. II, 1890).
  3. Ch. Féré, Sensation et mouvement, 1887, p. 32. Les conditions physiologiques des émotions (Rev. phil., 1887). — Dégénérescence et criminalité, 1888, p. 23. La fatigue et l’hystérie expérimentale ; théorie physiologique de l’hystérie (C. R. Société de Biologie, 1890).