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g. belot. — théorie nouvelle de la liberté

correspondance ou harmonie préétablie ; il faudra donc qu’elle soit le résultat de la production du physique par le psychique ; il faudra que la conscience soit considérée comme une énergie motrice, et que cependant elle échappe à la loi de conservation ; nouvelle hypothèse qui non seulement ne se comprend guère mieux en elle-même que la première, mais qui paraît difficilement conciliable avec la doctrine fondamentale de M. Bergson sur les rapports de l’espace avec la quantité.

IV

Si maintenant nous cherchons pourquoi, malgré de si ingénieux efforts, malgré l’excellence de son point de départ, M. Bergson vient se heurter à tant de difficultés dont un certain nombre sont propres à sa doctrine, nous en trouverons la raison essentielle dans un triple passage, suivant nous peu justifié : 1o de la notion de qualité à la notion de force ; 2o de la notion de force à celle d’indétermination ; 3o de la notion d’indétermination à celle de la liberté.

1o La doctrine fondamentale de M. Bergson, suivant laquelle tout est qualitatif dans la vie psychique, le conduisait à une première conclusion vraiment satisfaisante : c’est que la liberté est simplement un « caractère » propre de l’acte libre consistant en ce qu’il « porte la marque du moi ». S’il s’en était tenu là, M. Bergson nous paraissait dispensé de s’attaquer au déterminisme. Car la question ne portait plus dès lors sur la production des actes. En quoi le déterminisme empêcherait-il nos actes de porter ce caractère ? Nous avons essayé de montrer qu’au contraire c’est l’indéterminisme qui l’empêcherait.

Mais M. Bergson au lieu de s’en tenir à ce point de vue passe de d notion de qualité à la notion de force. Or la question est ainsi replacée sur le terrain de la production des actes ; la notion de force appartient évidemment à la catégorie de causalité que l’on voulait, écarter du problème. La qualité comme telle nous paraît échapper à la loi de conservation et le progrès qualitatif ne nous semble nullement contradictoire ; mais c’est que justement la qualité n’est point conçue comme force. La notion de force au contraire n’est-elle pas essentiellement quantitative ? Cette première transition du point de vue de la qualité à celui de la force, outre qu’elle ne s’explique pas en elle-même, devait donc rejeter M. Bergson en plein déterminisme.

2o Il lui fallait alors, pour s’en défendre, s’efforcer de prouver que le dynamisme exclut la nécessité, et passer ainsi de la notion de