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UNE THÉORIE NOUVELLE DE LA LIBERTÉ


Nous n’oserions point écrire le titre qu’on vient de lire s’il s’agissait d’une théorie qui nous appartînt. Il nous semblerait trop difficile à justifier. Il pourrait paraître téméraire de promettre une solution nouvelle d’un problème qui a exercé et souvent défié la sagacité d’un si grand nombre de penseurs et des plus divers. Il en est pourtant de cette question comme de toutes les questions primordiales en philosophie : une moyenne originalité en éloigne, parce qu’elle y redoute la banalité ; une originalité plus profonde y ramène, parce que c’est là surtout qu’elle trouve son emploi. C’est pourquoi M. Bergson, dans son récent et remarquable Essai sur les données immédiates de la conscience[1], a voulu aborder à son tour la question aussi inévitable que rebattue du libre arbitre ; il a réussi en effet à en formuler une théorie vraiment neuve à bien des égards, et c’est cette théorie que nous nous proposons d’examiner.

L’ouvrage dont cette théorie forme la partie culminante, et dont elle est le terme final, présente une telle unité, une si savante construction, qu’il faudrait, pour être parfaitement clair et pour donner surtout sa vraie valeur à la doctrine qu’on en détache, remonter jusqu’aux prémisses métaphysiques sur lesquelles elle repose, et les exposer avec toute l’ampleur qu’elles réclament. C’est cependant une satisfaction que nous sommes obligés de nous refuser. Un tel travail dépasserait les limites que nous devons nous imposer ici, et souleverait plus de questions que nous n’en pourrions résoudre ; on ne refait pas, et surtout on ne défait pas dans son ensemble, au pied levé, une œuvre aussi sérieusement élaborée. D’ailleurs une analyse très bien faite, et qui a paru ici même[2], fait suffisamment connaître les principes de cette philosophie, et nous y renvoyons le lecteur qui n’aurait pas eu la bonne fortune de faire connaissance avec l’ouvrage même de M. Bergson. Ces principes, nous nous contenterons

  1. 1 vol.  in-8o, Alcan, 1889.
  2. Revue philosophique, mai 1890. Compte rendu de M. Lévy-Brühl.