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sur 521 martyrs de l’indépendance italienne, il compte seulement trots stigmatisés de cette espèce ; tandis que, sur 50 photographies de membres de la Commune, il y en a 6, et, sur 8 pétroleuses, 4. Mais les lunettes du patriotisme n’auraient-elles pas, peut-être, altéré sa vision ? Parmi nos grands agitateurs français, il trouve Mirabeau très beau, il est vrai, mais son nez de travers lui paraît suffire à le classer dans la catégorie des individus typés, à côté de Marat, de Carrier, etc. Il découvre beaucoup d’épileptiques au nombre des novateurs : Mahomet par exemple. De là une nouvelle névrose dont il a voulu être le parrain et qu’il a baptisée l’épilepsie politique. Remarque plus sérieuse : le nombre extraordinaire de fous dans les rangs révolutionnaires. Luther, Savonarole, ont eu de vraies hallucinations ; Masaniello, Cola de Rienzi, fous dangereux ; le dernier, mégalomane. Châtel, Jacques Clément, Poltrot, autant d’hallucinés. Ravaillac, en frappant Henri IV, obéissait au délire de la persécution. Pendant la Révolution française, Théroigne de Méricourt, aliénée ; sous la Commune, la folie règne ; voir à ce sujet le livre du D’Laborde. Beaucoup de fous parmi les insurgés de l’Amérique du Sud. John Brown, l’apôtre de l’émancipation des esclaves en 1859, était atteint de folie héréditaire. Fou aussi, Hong-Sion-Tucen, le révolutionnaire chinois (M. Lombroso voit donc bien que la Chine, malgré ses vallées, a eu ses révolutions) qui, vers le milieu de ce siècle, a rêvé de christianiser le Céleste Empire et y a suscité de grands troubles. Fou encore, le fondateur d’une nouvelle religion qui, en 1862, s’est formée parmi les sauvages de la Nouvelle-Zélande (preuve que le prétendu misonéisme des sauvages n’est pas sans exception). C’était, paraît-il, un nommé Horopapera, en relations continuelles avec l’archange Gabriel.

S’il en est ainsi, nous devons nous attendre à voir l’esprit de révolte et de révolution, dans une nation ou dans une classe, en rapport avec la fréquence des cas de folie dans cette population. Il doit donc être plus répandu et plus intense dans les villes que dans les campagnes, dans les pays en train de se civiliser (je ne dis pas dans les pays très anciennement civilisés et assis en leur civilisation établie, tels que la Chine ou l’Égypte) que chez les peuples barbares. En voyant progresser d’un même pas, dans notre Europe, l’aliénation mentale et l’agitation novatrice, on ne saurait douter de ce parallélisme ni hésiter à l’expliquer par des causes principalement sociales.

Le seul fait que l’esprit révolutionnaire a ses accès et ses apaisements, qu’il souffle tantôt du nord, tantôt du midi, qu’il se promène d’Orient en Occident, ou d’Occident en Orient, prouve clairement qtt*il ne tient pas à des causes physiques ou physiologiques, au climat