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g. tarde. — le délit politique

victions viciions antérieures et accumulées qu’il a fait jaillir. L’insurgé frappe, et rien ne jaillit ; c’est un Moïse avorté. Il n’est pas d’insurgé qui, en d’autres temps, n’eût pu être un révolutionnaire, et vice versa. Luther, venu cent ans plus tôt, avant la découverte de l’imprimerie, ou né en Espagne au lieu de naître en Allemagne, eût péri sur le bûcher comme Jean Huss. Il n’a manqué non plus à Jean Huss pour être un Luther que d’être né à propos. — Voilà bien, ce me semble, au fond, la vraie différence entre les rébellions et les régénérations sociales. Voilà bien la pierre de touche, indiquée par le bon sens, dont il faudrait commencer par faire usage avant de rechercher dans quels climats, dans quelles saisons, sous quelles latitudes, avec quel indice céphalique, etc., l’un de ces phénomènes est plus fréquent que l’autre. Pour être en droit de décider, en vertu de certaines statistiques, que (p. 377) « les révoltes s’observent plus fréquemment dans les pays à altitude très élevée et très chauds, en temps de disette, ou chez les peuples brachycéphales et bruns, et sont en rapport très étroit avec l’alcoolisme et les saisons chaudes », tandis que « les révolutions, plus rares dans les pays très chauds, plus fréquentes dans les mois chauds (chose un peu étrange), surtout pour les créations géniales, se développent pourtant, à l’inverse des rébellions, dans les pays modérément froids, secs, surtout dans les pays de montagnes et de collines, rarement dans les plaines et sur les sols volcaniques,… e sont en rapport avec la haute stature de la race » ; pour être en droit de poser ces conclusions, très curieuses à coup sûr, ne faudrait-il pas préalablement expliquer sur quel principe on s’est appuyé pour dresser les listes de révoltes et de révolutions qui ont servi de fondement à ces calculs, pour classer dans une liste plutôt que dans l’autre beaucoup de faits historiques diversement appréciés ? M. Lombroso ne nous dit pas le principe qui l’a guidé dans cette délicate opération. Tout à l’heure, nous l’avons vu mettre sur le même rang la Révolution française et les Vêpres siciliennes ; cela est un peu hardi.

Au demeurant, je n’entreprendrai pas de discuter les propositions ci-dessus et d’autres semblables, malgré quelques timides objections que j’aurais peut-être à y opposer. C’est en songeant à l’Égypte et à la Mésopotamie anciennes, à la Chine, à la Russie, que M. Lombroso attribue aux pays de grandes plaines un caractère anti-révolutionnaire. Mais il ne songe pas aux phases de bouleversements gigantesques traversées par ces peuples avant leur époque d’apaisement sur laquelle s’arrêtent de préférence les yeux de l’histoire ; il méprise trop les exceptions à sa règle présentées par la République Argentine et la Pologne, si agitées, quoique situées dans des pays d’une extrême plati-