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g. tarde. — le délit politique

devrait être jugé en grande partie fortuit ou s’expliquer par l’intervention d’une cause étrangère.

En chacun de nous, à côté de l’habitude, sorte de misonéisme physiologique, existe le caprice ; à côté du penchant à se répéter, le penchant à innover. Le premier de ces deux besoins est fondamental, mais le second est l’essentiel, la raison d’être de l’autre. Il n’y aurait point de nouveautés possibles s’il n’y avait point de routines durables ; c’est la persistance des types spécifiques qui rend seules viables et même imaginables les variations individuelles. La lutte entre l’habitude et le caprice, qui se sont mutuellement indispensables, dure toute la vie de l’individu ; mais il est à remarquer qu’elle commence par le triomphe du penchant novateur, et qu’elle se termine, dans l’extrême vieillesse, par la victoire définitive du penchant routinier. Il en est de même dans la vie sociale, bien que notre auteur semble croire précisément le contraire. C’est au plus ancien début des sociétés qu’il place le règne du misonéisme absolu, d’après l’observation superficielle des sauvages. Il estime que l’horreur du nouveau sous toutes ses formes est le propre des esprits faibles, femmes et enfants, à commencer par les animaux. Or, en ce qui concerne ces derniers, je veux bien l’en croire sur parole quand il nous affirme qu’une poule blanche peinte en vert a excité, après ce changement de couleur, une vive répulsion dans tout son poulailler ; mais je ne puis m’empêcher de penser que, parmi les plus révolutionnaires des hommes en train de prendre un bain dans une rivière ou de figurer in naturalibus devant un conseil de revision, l’arrivée inopinée d’un homme nu, tout vert, ne laisserait pas de provoquer aussi un mouvement de répugnance. Ne confondons pas l’horreur du nouveau et celle de l’anormal. Quant aux femmes, sans parler des enfants, leur facilité à s’imbiber des nouvelles modes, non seulement en fait de toilette, mais de sentiments, d’idées, de mœurs, est incroyable, quoique parfois dissimulée sous des dehors trompeurs. S’il y a en elles beaucoup de survivances religieuses et morales, de pratiques qui jadis leur ont été enseignées par notre sexe (car tous les fondateurs de religions, et tous les apôtres, ont été des hommes et ont eu des hommes pour premiers fidèles), cela tient simplement à la loi de l’imitation du supérieur par l’inférieur, qui s’est appliquée ici comme partout. La femme a toujours imité l’homme, dont elle a toujours senti la supériorité ; il n’est donc pas surprenant que sa religiosité, fille de celle de l’homme, lui survive un temps. D’ailleurs, quand les femmes emboîtent le pas des insurgés ou des révolutionnaires, elles vont plus loin qu’eux. M. Lombroso est embarrassé (p. 227 et s.) pour concilier l’exemple des tri-