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g. tarde. — le délit politique

été bien des fois expérimentées dans les civilisations antérieures, elles ont été rejetées chaque fois ensuite et remplacées par des vieilleries plus conformes à la nature des choses. Il en est de l’art politique comme de l’art en général, où tout changement n’est pas progrès, et dont le point de perfection impossible à franchir a plusieurs fois été atteint, dans certaines de ses branches au moins, au cours de l’histoire. En parlant ainsi, je ne crois nullement céder à une inspiration réactionnaire. Mais je conclus de ces considérations que, lorsque des hommes comme Le Play, et Taine, par exemple, au prix d’un grand effort émancipateur, retrouvent les titres du passé, ou quand un critique vigoureux tel que M. Brunetière recompose et redresse la statue des maîtres classiques, on n’est pas en droit de leur attribuer, comme le fait M. Lombroso, un misonéisme larvé, de les traiter en esprits inconséquents, parce qu’ils apportent des pierres neuves à de vieilles digues qu’on ébranle et qu’ils cherchent à raffermir. Sont-ils misonéistes ou philonéistes ? Peu importe ; ce sont des talents et des capacités en somme ; et supposons que les esprits de cette trempe abondent dans un département ou qu’ils y donnent le ton, vous verrez la majorité y revêtir la couleur conservatrice (ce qui ne veut pas dire monarchiste nécessairement, au moment actuel). M. Lombroso, d’ailleurs, insiste souvent sur cette vérité, que l’homme de talent ou de génie, opposé sur un point, sur un seul point, au misonéisme des foules, est lui-même, sur tous les autres points, par une compensation inévitable, d’un misonéisme renforcé. Le conservatisme politique ne saurait donc être pris, à priori, et sans autre explication, pour une marque de stérilité artistique, agricole ou scientifique. Si l’on entre dans cette voie, où s’arrêtera-t-on ? Hæckel, à une certaine époque, évaluait le degré de civilisation des races et des nations d’après leur conversion plus ou moins rapide et générale à la religion darwinienne ; ce qui semblait l’autoriser alors à placer la France bien au-dessous de l’Allemagne, de l’Angleterre et de l’Amérique. À son exemple, le savant criminaliste italien ne serait pas éloigné de penser quelque part (p. 431 et 145) que l’empressement à accepter ses idées sur le type criminel peut servir à mesurer la génialité des divers pays. « L’idée socialiste florit, dit-il, en Russie, et l’école pénale italienne (la nouvelle) a en Russie ses principaux fauteurs. » Les Russes sont donc à la tête des peuples. Au contraire, ajoute-t-il, « la France, l’Espagne et l’Amérique du Sud, peuples si fréquemment en état de sédition, comptent de très rares créateurs de véritables révolutions politiques et scientifiques ». La France mise au même rang que l’Amérique du Sud, et citée comme exemple de stérilité Imaginative et révolutionnaire ! Au demeurant, il paraît