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blicain ? Ce n*est pas bien sûr. Les départements conservateurs sont ceux où la mortalité est la moindre, et où les hommes sont les plus robustes, les plus grands de taille. Ce sont aussi les plus fertiles en céréales. Le progrès du républicanisme correspond à celui de la folie. Il y a là de quoi donner à réfléchir. Est-ce que, par hasard, le dernier mot de la sagesse serait de voter par bulletin blanc ?

M. Lombroso s’est laissé entraîner à quelques-unes des illusions que je lui reproche par sa préoccupation de ce qu’il appelle le misonéisme. Par misonéisme il entend l’horreur systématique, instinctive et innée de toute innovation, effroi sacré qu’il se croit forcé, bien malgré lui, de reconnaître comme l’attribut normal, nécessaire et universel des masses humaines[1]. Il suit de là que les révélations quelconques du génie, dont le philonéisme pour ainsi dire est le caractère propre, sont des anomalies, comme celles de la folie. Plus une région est géniale, donc, plus elle doit être réputée à priori novatrice, rebelle ou révolutionnaire en politique. Mais, s’il en est ainsi, M. Lombroso ne devrait-il pas songer que toute résistance à un entraînement électoral, à une majorité triomphante, dénote de la liberté d’esprit ? Ignore-t-il la dose de hardiesse intellectuelle que suppose l’ascension au-dessus des nuages de l’opinion jusqu’aux cimes élevées d’où s’aperçoit la raison de l’irrationnel apparent, la justification des institutions historiques ? Si le monde humain ne datait que de cinq à six mille ans, je comprendrais cette présomption de vérité que M. Lombroso paraît attacher à toute nouveauté politique. Mais, depuis que l’antiquité prodigieuse du passé social apparaît à nos yeux et que l’origine des civilisations recule dans les temps géologiques, il n’est plus permis d’être si prompt à croire que quelque chose de réellement nouveau et en même temps de viable, de plus utile et de plus vrai que ce qui a précédé, puisse être encore découvert, après tant d’expériences sociales accumulées, en fait d’institutions et de principes politiques essentiels ; il y a lieu, au contraire, de garder une certaine méfiance à l’égard de tout ce qui se flatte d’être neuf en ces matières, et de se demander si de prétendues nouveautés ne semblent point telles précisément parce qu’après avoir

    moins géniale des races françaises. Mais, p. 103, il nous apprend que « le génie prédomine là où prévaut la race belge et cimbrique ». Je ne comprends plus. Je suis fâché d’apprendre la supériorité des races blondes sur les races brunes ; est-il vrai cependant qu’Hector a été vaincu parce qu’il était brun et qu’Achille était blond ? (p. 97).

  1. Comme exemple de ce misonéisme national, il cite le peuple français, qui, depuis Strabon, est demeuré le même, « vain, belliqueux, amoureux des nouveautés ». Ici la contradiction est tellement forte qu’il faut l’attribuer a un lapsus calami.