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g. tarde. — le délit politique

mai, juin, les philosophes travaillent beaucoup, et qu’ils ne font pas grand’chose en juillet, août, septembre et octobre. Si je compare ce résultat avec celui que figure, en regard de la page 98 de l’Uomo di genio, un tableau graphique exprimant la courbe annuelle des créations géniales, j’y vois des différences importantes. Dans ce tableau, l’un des plus hauts pics est en septembre, le plus profond ravin est en février ; novembre et décembre sont bas. — M. Ribot a eu l’obligeance de m’adresser un autre document : « c’est la statistique des lettres, me dit-il, reçues par la Revue depuis le jour où a paru le 1er numéro. Je parle des lettres concernant la rédaction, non l’administration, le spirituel non le temporel ». Pour chaque année, il y a deux chiffres seulement, un pour chaque semestre ; puis le total. Le total ne varie guère, les chiffres semestriels varient davantage, mais tantôt le premier l’emporte, tantôt le second, on ne voit point l’un des semestres affecter une supériorité constante, quoique variable, à l’égard de l’autre. Quant à la distribution des lettres par mois, « rien de plus irrégulier » m’assure M. Ribot ; « tantôt une pluie, tantôt rien ». Aucune influence saisonnière ne paraît ici se faire sentir.

N’importe, j’admets une action, quelle qu’elle soit, de la température sur les manifestations du talent humain. J’admets aussi, en principe, le calendrier insurrectionnel pour ainsi dire, que M. Lombroso dresse pour le comparer à son calendrier génial et au calendrier criminel. Il est intéressant d’apprendre que, soit dans notre Europe moderne, soit dans l’antiquité, soit même au moyen âge, le maximum des révoltes ou des révolutions a eu lieu dans les mois les plus chauds de l’année, et, bien qu’il y ait des exceptions à la règle, et que par exemple, (voy. le tableau de la p. 51), dans notre Europe, de 1793 à 1884, sur 37 révolutions d’ordre politique, 16 aient eu lieu au printemps et en été, 21 en hiver et en automne, on ne peut méconnaître une certaine relation entre les périodicités des manifestations révolutionnaires et la gravitation de la terre autour du soleil. — Mais le sens de telles remarques ne se révèle qu’à mesure qu’elles se multiplient. Car ce n’est pas seulement en révoltes, en traits de génie, en crimes passionnels ou sanglants, que les mois chauds sont particulièrement féconds ; c’est encore en productions industrielles, et en consommations de tout genre, en fabrication de discours et de lois, en guerres aussi, en victoires et en défaites, en luttes électorales, etc. Tous ces calendriers économiques, militaires, politiques, parlementaires, veulent être rapprochés. Et leur rapprochement laisse entendre avant tout ceci, que les plus longs jours, les plus chauds, soit à cause de leur longueur, soit à cause de leur chaleur, ce qui n’est pas clair, sont liés à un redoublement d’activité de la vie sociale.