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Mais M. Serre se flatte d’avoir réussi là où Leibniz a certainement échoué. Pour lui montrer qu’il se trompe et que malheureusement la conciliation universelle ne peut ainsi s’obtenir en trois cents pages vivement tournées d’ailleurs, il faudrait plus de place que nous n’en avons. Je me contente de dire que c’est là un livre vrai, original, intéressant, plus raisonnable et plus nourri qu’il n’en a l’air au premier abord. Il inspire pour l’auteur une pleine sympathie. On y voit un cœur vaillant, un amour sincère de la vérité, une belle foi à la raison et au bon sens, une intrépidité intellectuelle qui se fait rare et qui, si on sait bien la comprendre, n’a rien qui puisse légitimer le sourire. En deux mots, il se laisse et se fait lire et je sais telle thèse rébarbative qui passe pour profonde et ne contient pas plus d’idées.

G. F.

Ernest Naville. La physique moderne, 2e édit. 1 vol.  in-8o de viii-276 p. Paris, Alcan, 1890.

C’est avec un vif plaisir que nous signalons la deuxième édition de la Physique moderne de M. Ernest Naville, dont la première avait paru en 1883, car on ne peut qu’être heureux du succès obtenu par une telle œuvre. Nous n’avons pas, du reste, à la présenter aux lecteurs de la Revue philosophique, qui en a publié deux fragments avant leur réunion en un volume et en a donné un compte rendu écrit par M. Lionel Dauriac[1] ; si l’œuvre avait été en quelque sorte renouvelée par une revision et la discussion des principales objections auxquelles elle a donné lieu, nous eussions sans doute profité de la circonstance pour prendre part au débat, mais nous sommes en présence d’un second tirage et non d’une deuxième édition, au sens propre du mot.

La seule partie nouvelle consiste dans une préface faisant suite à celle de 1882-1883 : c’est une courte réponse à ceux qui affirment avec Büchner qu’ « aujourd’hui nos plus laborieux ouvriers dans les sciences, nos plus infatigables physiciens, professent des idées matérialistes ». Laissant de côté la question théorique des conséquences logiques de la science, pour s’en tenir à la question de fait ainsi résolue par Büchner, M. Naville s’étonne d’une telle assertion, rappelle ce qu’il dit, à ce point de vue, d’Ampère, Liebig, Fresnel, Faraday et Robert Mayer ; puis il renvoie aux protestations, mentionnées par lui, d’Osvald Heer, d’Auguste de la Rive, de Wurtz et de Chevreul, et enfin appelle en témoignage MM. de Quatrefages, Pasteur et Faye.

À l’occasion des très nombreuses citations d’autorités scientifiques que fait M. Naville, nous noterons que M. Dauriac a peut-être exagéré le côté presque confessionnel qu’il attribue à la thèse du philosophe genevois en faveur du rôle du spiritualisme comme inspirateur des recherches scientifiques : « La physique n’appartient à aucune Église,

  1. VII, 265 ; XI, 46 ; XVII, 93.