Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XXX.djvu/333

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
323
notices bibliograpuiques

dit-il pas que la sensation est l’acte commun du sentant et du senti, et, dès lors, ce produit, cet acte commun, peut-il être identique à un seul de ses facteurs ? — Et enfin, n’est-ce pas une proposition bien scolastique que cette formule : Receptum est in recipiente per modum recipientis ? Mais alors la couleur qui est le receptum est en moi per modum mei et non per modum objecti. Les principes scolastiques sont donc moins étroits que ne l’a cru ici le R. P. — Cet attachement exclusif à la lettre des docteurs m’a paru devoir d’autant plus être signalé que le P. Castelein se montre au contraire partout ailleurs, et sur des points peut-être moins bien établis, très indépendant, très conciliant et très ouvert.

G. F.

Joseph Serre. Esquisse d’une méthode de conciliation universelle. Au large ! in-18°, 303 p. Paris, Leroux, 1890.

J’ai eu l’an dernier l’honneur de présenter aux lecteurs de la Revue le premier livre de M. Serre : À la découverte du vrai. Après avoir essayé de découvrir le vrai par l’analyse des notions universellement acceptées sur le bien, cet auteur veut aujourd’hui réconcilier tous les systèmes en les adoptant tous, moins leurs étroitesses. Si l’intention n’est pas nouvelle elle demeure toujours louable. M. Serre ne suit pas une méthode didactique et pédantesque. Il procède par comparaisons, apostrophes, descriptions, et cache avec soin la trame logique de ses pensées sous une abondance facile qui ne manque ni d’intérêt, ni même parfois d’éloquence. Mais le raisonnement, pour être caché, n’existe pas moins et ce petit volume d’allures exotériques, bien qu’il s’adresse surtout au grand public, contient bien des passages de nature à faire réfléchir même les philosophes de profession.

M. Serre, par exemple, remarque avec beaucoup de raison que les systèmes sont d’ordinaire plutôt contraires que contradictoires les uns aux autres, et que si la logique interdit la conciliation des contradictoires, elle permet au contraire d’une certaine façon celle des contraires.

M. Serre ne veut pas non plus qu’on accorde au scepticisme, ainsi qu’il paraît de mode de le faire, le privilège de la largeur d’esprit. Il montre avec beaucoup de finesse que la prétendue largeur d’esprit du sceptique consiste essentiellement à n’admettre aucune affirmation, ce qui est précisément la définition de l’étroitesse de l’esprit.

Où nous ne pouvons être de l’avis de l’auteur, c’est quand il croit n’être pas éclectique et faire autre chose que ce qu’avait essayé Victor Cousin. Mais n’est-ce pas Victor Cousin qui a dit : Tous les systèmes sont vrais dans ce qu’ils affirment et faux par ce qu’ils nient ? Et n’est-ce pas cette formule qui résume tout le livre de M. Serre ? Nous lui accorderons, s’il veut, qu’il est moins inconséquent que Victor Cousin, mais son originalité n’y gagnera rien, car Leibniz a, lui aussi, formulé le même principe en termes analogues.