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v. egger. — document sur les manuscrits de descartes

beth, fin janvier ou 1er février 1648, t.  I, p. 78 de l’édition Clerselier, t.  X, p. 120 de l’édition Cousin. Descartes s’excuse d’avoir abandonné son projet d’un traité De l’érudition, en alléguant entre autres raisons qu’il a déjà dit dans la Préface des Principes une partie de ce qu’il avait envie d’y mettre. La seconde phrase de la note de Beaumont a été écrite après la première, car l’encre est différente, et sans doute à la suite d’une visite chez Clerselier. Mais le curieux, c’est que ce traité De l’érudition, dont Beaumont a vu le manuscrit, semble n’avoir jamais existé. La lettre de Descartes à Elisabeth parle seulement d’un « dessein » abandonné et non d’un ouvrage commencé et interrompu. D’autre part, on lit dans Baillet : « Le P. Rapin (Réflexions sur la philosophie, VIII) avait ouï dire que M. Descartes avait commencé une Logique, mais qu’il ne l’avait pas achevée, et qu’il en était resté quelques fragments entre les mains d’un de ses disciples, sous le titre De l’érudition. Ce disciple ne peut être que M. Clerselier… Mais après une recherche exacte qui s’est faite de cette Logique prétendue parmi ses papiers, il ne s’est rien trouvé sous le titre d’Érudition, ni même rien qui puisse passer pour Logique, si l’on en excepte les Regulæ ad directionem ingenii[1]. » Ailleurs, le même Baillet, analysant le Studium bonæ mentis, ouvrage perdu du fonds Clerselier, montre que cette œuvre de la jeunesse de Descartes contenait la première esquisse du Discours de la Méthode, du moins des premières parties. Enfin Millet, s’appuyant peut-être sur le vague témoignage du P. Rapin, identifie le mystérieux traité De l’érudition avec le dialogue inachevé sur la Recherche de la vérité par la lumière naturelle[2], qui existait en texte français dans le fonds Clerselier, et qui a été publié, on ne sait comment, en latin, dans les Opuscula posthuma (Amsterdam, 1701). L’hypothèse de Millet me paraît arbitraire ; le P. Rapin « avait ouï dire », Beaumont a vu ; il vaut mieux suivre l’indication qu’il nous donne. Clerselier possédait un manuscrit qu’il intitulait Traité de l’érudition (c’est-à-dire, en langage moderne, traité de la science ou des sciences), quand il le montrait à ses amis ; on y retrouvait les idées du Discours de la Méthode ; c’était donc, à ce qu’il semble, le Sutdium bonæ mentis ; mais si Clerselier l’avait intitulé Traité de l’érudition, c’est apparemment qu’il avait cru y retrouver également les idées de la Préface des Principes et que la lettre de 1648 lui avait paru autoriser ou même commander cette identification. Mais Clerselier se trompait, et le Traité de l’érudition n’a jamais été écrit : qu’on relise sans parti pris la lettre de 1648, on verra que Descartes y parle d’un simple projet auquel il a renoncé et qu’il n’est nullement disposé à reprendre.

Page 139, au début du paragraphe 41 de la 3e partie : « La version est depuis ici de M. Des. Mr Clerselier a le reste de ce livre en manuscript de M. Descartes mesme. Il me la monstré. » — Comment con-

  1. La vie de M. Descartes, t.  I, p. 282.
  2. Millet, Descartes depuis 1637, p. 326 ; Descartes avant 1637, p. 129.