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a. espinas. — les origines de la technologie

chant des poètes, sources des croyances mythiques, étaient les seuls travaux intellectuels dont on jugeait alors que la jeunesse eût besoin, les seuls à vrai dire qui fussent possibles, puisque la poésie tenait lieu de science. Les jeunes gens ainsi formés pouvaient prendre part à l’exécution des poèmes lyriques qui précédèrent les odes de Pindare, et des odes de Pindare elles-mêmes, dernière floraison d’un art déjà ancien. Les exercices gymniques de toutes sortes faisaient de l’éphèbe un chef-d’œuvre de force, de grâce et de souplesse digne d’être offert à la vue des dieux dans les processions et dans les concours. Les exercices hippiques avaient le même but. Soixante chars de guerre figurent encore vers le commencement du vie siècle dans la procession d’Artémis à Érétrie. Plus tard les cavaliers les remplaceront. Des concours hippiques s’établissent près des grands sanctuaires ; ils ont lieu dans l’après-midi des fêtes religieuses, après la procession et le sacrifice. D’abord ils ne comprennent que des courses de chars (680), puis en 648 apparaissent les chevaux montés. L’éducation aboutit donc d’abord à rendre le jeune homme capable de figurer dans ces grandes manifestations nationales, où, comme chanteur, comme membre d’une troupe qui défile ou évolue, comme concurrent soumis à la règle des jeux, il doit subordonner spontanément sa volonté à l’ordre aimé des dieux, et réaliser un type de groupement et d’action traditionnel. Le chœur symbolise cette activité sociale. Une cité est un vaste chœur ; c’en est un encore, mais plus grand, que la confédération des cités représentée à Olympie ou à Delphes. Mais le chœur terrestre est l’imitation des chœurs célestes, des groupements et des mouvements harmoniques que réalisent les astres dans le ciel comme au fronton du temple de Delphes. Apollon avec les Muses forme un chœur, lui aussi ; lui aussi s’avance sur un char suivi des autres immortels. L’éducation rend donc les citoyens semblables aux dieux et fait de la cité l’image du ciel.

Ébauché par les cités ioniennes d’Asie, ce type d’éducation a été constitué par les cités doriennes sous l’influence continue de Delphes, puis porté à sa dernière perfection par l’Athènes du vie siècle. Il est hautement aristocratique, mais dans une aristocratie d’égaux ; la société où il domine est une société militaire, jadis gouvernée par des rois, puis par les chefs de familles féodales qui régnaient de très haut sur une population chétive. Ces nobles étaient détenteurs du droit, parce qu’ils l’étaient des rites religieux avec lesquels le droit s’identifiait. Les lois étaient inconnues du peuple ; comme il ne pouvait les lire écrites nulle part ou que l’accès des sanctuaires où elles étaient déposées lui restait défendu, l’art du gouvernement, la jus-