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a. espinas. — les origines de la technologie

dieu de la Lydie. Nous n’hésitons pas à les considérer comme le type original dont les pièces d’argent éginètes ne sont que l’imitation.

« Les temples, dit Curtius, ont été le berceau de la circulation monétaire et le champ des pièces a été pendant de longs siècles réservé à quelque emblème sacré. » En effet, la tortue à Egine[1], le gland de chêne à Orchomène, le bouclier béotien à Thèbes, le griffon à Téos, la partie antérieure du loup à Argos, le canthare à Naxos, la tête de lion à Milet, le pégase à Corinthe, ont, dans les monnaies archaïques, une signification évidemment religieuse. Dans les monnaies postérieures, les emblèmes religieux persistent pendant de longs siècles : l’épi de Métaponte, attribut de Démêter, et le taureau dionysiaque ont le même caractère sacré que l’aigle de Zeus à Agrigente et la chouette d’Athênê à Athènes. Même les figurations parlantes qui rappellent, par une sorte de jeu de mots, le nom de la ville (la pomme, μῆλον, de l’île de Mélos, la grenade, σίδη, de Sidé de Pamphilie, le grain d’orge, κριθὴ, de Crithoté, la feuille de persil, σέλινον, de Sélinonte ; plus tard la rose, ῥόδον, de Rhodes) se rattachent pour le choix du type à quelque motif de même sorte[2]. Quand les progrès de l’art le permirent, les gravures représentèrent la figure même des dieux. Ajoutons que, partout où nous saisissons la trace des ateliers de fabrication monétaire, nous les trouvons en relation avec un édifice sacré. Les temples étaient à la fois les hôtels des monnaies et les trésors publics.

Il n’est donc pas étonnant que, là où on s’interrogea sur les origines de fart, on les fit remonter sinon à un dieu, l’invention avait été trop tardive, du moins à un héros, par exemple chez les Athéniens à Thésée, au sanctuaire duquel l’atelier public était annexé. La technologie s’inspira encore ici directement de la technique. Seulement de telles légendes ne purent se multiplier ; la période historique, c’est-à-dire de conscience sociale, commença pour les monnaies dès le vie siècle, sinon auparavant. Bientôt même la portée du mot par lequel on distinguait la monnaie cessa d’être comprise ; on l’avait appelée νόμισμα, comme le dit Aristote[3], parce qu’elle résultait d’une loi, νόμος, c’est-à-dire d’une volonté sociale supérieure et mystérieuse, ou en d’autres termes de la religion, mais on ne l’avait pas nommée ainsi ὅτι οὐ φύσει ἐστίν, parce qu’elle était le fruit d’une convention arbitraire, opposée à la nature. Cette opposition, comme nous le ver-

  1. Elle représentait la voûte du ciel et était le symbole d’Aphrodite Ourania.
  2. Les dauphins de Delphes étaient consacrés à Apollon, etc. Cf. Lenormant, op. cit., passim.
  3. Éthique Nic., V, 8, 1133, a.