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Il y en a un dans chaque mois (le 6e), où il est à propos de châtrer les moutons et de plaisanter ; un autre (le 10e), où il y a lieu de chercher à apprivoiser les bêtes demi-domestiques, et qui est bon pour la naissance des enfants mâles ; un autre (le 4e), où il faut se garder d’être triste, et où on peut se marier, après avoir toutefois consulté les oiseaux, etc. « Le 19e est bon dans l’après-midi. » Car les heures ne sont pas moins spécialisées que les jours pour les diverses actions et les diverses dispositions de l’âme. Et ces prescriptions ne sont pas moins sûres que celles qui sont données par les phénomènes météorologiques : tous les travaux de l’année distribués par les dieux, toutes ces désignations de temps sont des lois, νόμοι[1]. Il n’y a pas seulement avantagé à s’y conformer, risque à les méconnaître ; on est innocent dans un cas aux yeux des Immortels (ἀναίτιος), coupable dans l’autre. Le calendrier est un programme d’exercices religieux obligatoires[2].

Il était facile de dire quand commence l’année ; c’est au printemps où tout renaît que débute la série des mois. Mais quand commence la série des années ? Dans la religion domestique, le temps est constitué par la succession des générations à partir du père de la race ; dans la religion de la cité, il commence à la fondation du culte public, c’est-à-dire à la fondation de la ville par l’œkiste ; dans la religion panhellénique, il a pour point de départ l’inauguration des fêtes communes et se compose de cycles au terme desquels ces fêtes sont célébrées de nouveau. De plus longues périodes embrassent ces périodes restreintes. La religion d’Hésiode tend déjà par un côté à dépasser les limites du culte individuel ou national ; elle prend ses points de repère dans la succession des divinités cosmiques et des âges du monde. Cette conception se retrouve dans Eschyle et dans les légendes rapportées par Platon. Les séries de temps sont adéquates à l’extension de la conscience religieuse.

Mais l’année lunaire et l’année solaire ne concordent pas. De plus, chaque État avait son calendrier. Quand des confédérations se formèrent autour des oracles les plus renommés, et que les cités confédérées voulurent établir une concordance entre leurs fêtes, on se trouva en présence d’une terrible confusion. Pour en sortir, on consulta l’astronomie. Des périodes furent établies en vue des compensations nécessaires. Cette création scientifique, cette distribution artificielle du temps enlevait d’emblée aux jours leur signification morale, leurs vertus propres ; ils devenaient des durées vides de tout

  1. Op. et D., vers 338, 398.
  2. Platon, Lois, II, 653, d, V, 738, e, et VII, 809, d.