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d’en haut (νόμος, νέμω). « C’est par une telle loi que les temples doivent être placés sur les hauteurs ou près des sources. La divination ne manque pas de compléter ces indications par des prescriptions spéciales, auxquelles se mêlent déjà une part d’expérience politique et quelque notion de l’hygiène. C’est ainsi que les établissements des colonies dans tout l’Occident et la technique religieuse des fondations de villes ont été réglés par les indications des sanctuaires. C’est à ces principes dominants que se subordonnent pendant longtemps les mesures plus ou moins exactes nécessitées pour les opérations prescrites, par exemple l’appréciation des distances géographiques pour les voyages et celle des longueurs et des surfaces pour la fondation des temples et des villes, comme pour la distribution des terres.

Ces mesures présentent un bel exemple de projection organique. Ce sont : le doigt, la paleste (largeur de 4 doigts), l’empan, le pied, la coudée, la brasse. Indirectement, par le même procédé, on avait obtenu : l’akêna, perche de six pieds qui servait à piquer le bœuf ; le pléthre, longueur du sillon que le bœuf pouvait creuser d’une haleine (le trait de charrue) ; la γύη, la surface qu’un laboureur vigoureux pouvait labourer en un jour ; le stade, la distance qu’un bon coureur pouvait parcourir à la course sans se reposer. Pour les distances de routes on se servait du pas (Alexandre avait encore ses mesureurs au pas), et des unités de temps pendant lesquelles le char ou le navire ou l’armée avaient poursuivi leur course avec une vitesse moyenne. Le pied était l’unité fondamentale, elle se trouve déjà chez les Grecs et les Italiens avant leur séparation ; cette mesure s’est établie comme la coudée des Égyptiens dans une complète inconscience sociale. L’ensemble de ces mesures est donc probablement antérieur comme date à la période physico-théologique. L’une d’elles a seule reçu le cachet des croyances propres à cette période, c’est le stade, et particulièrement le stade tel qu’on le voyait à Olympie : il passait pour contenir 600 fois la longueur du pied d’Hercule. C’était pour cette raison, disaient sérieusement quelques anciens, que ce stade était plus grand que les autres. Et en effet, ces diverses mesures variaient les unes plus, les autres moins ; la journée de marche ou de navigation était une grandeur fort élastique ; le pas lui-même devait être sujet à caution ; même le pied n’était pas partout de même longueur. Cet ensemble de mesures n’atteignit la fixité et l’universalité relatives auxquelles elles pouvaient prétendre que grâce aux progrès réalisés dans l’art de compter par les législateurs et les géomètres du vie siècle. À partir seulement de ce moment, les savants purent s’élever jusqu’à l’idée générale de l’es-