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a. espinas. — les origines de la technologie

ils étaient déjà parvenus à un assez haut degré de perfection[1] pour servir à arracher des pieux dans le port de Syracuse, comme l’ont fait au témoignage de Thucydide les navires athéniens au siège de cette ville, il est d’autre part difficile de croire que le procédé primitif des rampes ait pu être employé jusque-là normalement sans que le plus faible témoignage nous en ait été conservé. Quoi qu’il en soit, la possession des ressources variées qui contribuaient à la construction des temples, privilège des associations sacerdotales, n’a pu changer les idées des contemporains sur l’origine des arts. Ceux-ci s’employaient naturellement au service des dieux qui leur avaient donné le jour. L’architecture garde pendant toute cette période un caractère impersonnel ; c’est Apollon qui se construit ses temples par le bras de Trophonios et d’Agamède ; et en effet, les procédés techniques ne sont pas moins que le style et les proportions de l’œuvre, dictés soit par la tradition, soit par la volonté anonyme des collèges de prêtres. De même pour la sculpture, la période religieuse arrive seulement à son déclin quand, aux noms mythiques de Dédale, d’Eucheir et d’Eugrammos nous voyons succéder des noms de personnages historiques, et que les artistes prennent pour modèles non plus les types imposés par la tradition, mais les athlètes vainqueurs aux jeux Olympiques, nouveauté qui apparaît au vie siècle dans les écoles doriennes de Corynthe, de Sicyone, d’Argos et d’Egine[2].

Les arts dont le but est pour nous exclusivement esthétique sont encore à ce moment étroitement liés à la pratique. Le peintre, le fondeur et le sculpteur sont des ouvriers dont l’habileté est avant tout estimée comme l’auxiliaire indispensable du culte. Il en est de même de la poésie. Elle est un instrument de gouvernement et de civilisation en même temps qu’un moyen de se concilier la faveur des dieux et l’organe de leurs oracles. Terpandre, qui a posé les règles de la poésie lyrique, apparaît comme le second fondateur de Sparte (vers 676) ; Thalétas (vers 620), qui savait unir selon les traditions crétoises la gymnastique, la danse et la musique à la poésie, joue un rôle important dans l’établissement de l’éducation chez les Lacédémoniens ; Tyrtée est pour beaucoup dans l’organisation de leur discipline militaire. Des chœurs exécutaient les chants lyriques que le viie siècle vit éclore et rendaient pour la première fois sensible, parmi les cités diverses, l’union des âmes dans le culte du dieu cher à tous les Hellènes. Delphes a pesé de toute son autorité sur le choix du dialecte et des règles musicales adoptées par la

  1. Thucydide, VI, xxv. Cf. la Technologie de Blümner, t.  III, p. 111
  2. Curtius, vol.  II, p. 94 ; Collignon, Archéologie grecque, p. 108.