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hasardaient jamais volontairement loin des côtes. L’hiver, toute navigation était suspendue. Les marins ont de tout temps été superstitieux ; on juge de ce que devaient être les matelots grecs en ces siècles primitifs. Poséidon, les Dioscures, Aphrodite leur étaient des secours beaucoup plus assurés que leurs chétifs moyens de lutter contre les fléaux de l’air et du ciel. Le soleil, de jour, les astres, par les belles nuits, étaient leurs guides et les astres étaient des dieux. La barque portait à la poupe une image sacrée. Elle recevait le nom de quelque puissance céleste : au temps de Démosthènes ces appellations étaient encore de beaucoup les plus nombreuses. Elle paraissait aux Grecs de l’époque dont nous nous occupons quelque chose de vivant ; elle avait un visage l’avant ; des joues, les courbures de chaque côté de l’étrave ; des yeux, les trous pour l’ancre ou écubiers ; des oreilles saillantes, les bossoirs ; les formes consacrées se prêtaient aussi complaisamment que possible à ces interprétations : les écubiers étaient toujours découpés en forme d’yeux ; les flancs du navire s’arrondissaient comme le corps d’un oiseau ; l’étambot se recourbait en volutes élégantes et représentait tantôt une aigrette, tantôt un corymbe. Un ensemble d’images poétiques et de sentiments religieux voilait aux yeux des marins le caractère artificiel de cette machine dont la manœuvre était pourtant déjà compliquée.

Le grand essor de l’architecture civile et religieuse date des viie et vie siècles. Mais bien longtemps auparavant, les Atrides avaient élevé à Mycènes des tombeaux qui subsistent encore et supposent une technique avancée.

Quelques-uns d’entre ses procédés sont encore mal éclaircis. On ne sait pas, par exemple, à quel moment les machines élévatoires ont été découvertes. Les Égyptiens ne s’étaient pas toujours contentés de rampes inclinées pour porter les matériaux d’assise en assise ; ils s’étaient servis aussi de machines faites de courtes pièces de bois[1], c’est-à-dire, selon Maspero[2], de chèvres grossières plantées sur la crête du mur. Les Grecs du vie siècle ont peut-être, dans certains cas, si l’on en croit le témoignage de Pline[3], recouru pour élever des architraves d’un poids exceptionnel, aux talus en spirale formés de sacs de sable accumulés ; mais il est peu probable qu’ils aient ignoré les engins connus de l’Égypte. Si les grues ou corbeaux propres à suspendre des poids lourds n’ont été mentionnés qu’au moment où

  1. Hérodote, II, 125.
  2. Archéologie égyptienne, p. 48. Cf. Émile Soldi, la Sculpture égyptienne, Paris, 1876.
  3. Pline, XXXVI, 21 (14).