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a. espinas. — les origines de la technologie

temps d’Homère en mécanique et ils sont restés dans l’état religieux. Il y a plus, les premières machines paraissent avoir été offertes aux dieux et consacrées au culte avant d’être employées à un effet utile. Le foret à courroie a été inventé très probablement par les Indiens pour allumer le feu sacré, opération qui devait se faire rapidement, puisqu’elle se renouvelle encore lors de certaines fêtes 360 fois par jour. La roue fut une grande invention ; c’est vraisemblablement aux dieux qu’elle a été d’abord consacrée. « Geiger est d’avis qu’on doit considérer, comme étant les plus anciennes les roues à prières qui sont encore en usage dans les temples boudhistes du Japon et du Thibet et qui sont en partie des roues à vent, en partie des roues hydrauliques en dessous[1]. » Et ces faits s’accordent avec notre observation : que la plupart des fonctions nouvelles, soit individuelles, soit sociales, s’exercent selon le mode esthétique, comme jeu, avant de s’exercer comme travail. Les machines dont nous avons parlé, empruntées d’ailleurs pour la plupart par les Grecs aux peuples de l’Orient, ont pu être, pendant plusieurs siècles, contemporaines des croyances que nous avons décrites sur l’origine céleste des arts. La projection des premières articulations organiques s’est donc opérée sans une conscience beaucoup plus nette que celle des organes eux-mêmes.

Les moyens de transport sur terre étaient fort insuffisants. Les petits chariots de guerre, où il n’y avait place que pour le seigneur et son écuyer, ne pouvaient servir de véhicule pour le commerce et d’ailleurs les routes n’étaient ni commodes, ni sûres. Il est probable qu’il y a beaucoup d’exagération dans les assertions d’Homère au sujet des voyages en voiture de Télémaque à travers tout le Péloponnèse, et on peut croire que, pendant les siècles qui suivirent, la viabilité laissa beaucoup à désirer dans la Grèce propre : elle ne fut régularisée que quand les besoins du culte international exigèrent l’établissement d’un réseau de voies suffisant au passage des chars sacrés et de trêves qui assurassent la circulation des théories, soit entre les cités confédérées, soit des cités aux sanctuaires, ce qui n’eut lieu qu’au vie siècle. Le cheval resta pendant toute cette époque une bête de luxe. C’est par mer que se fit tout le commerce avec l’Orient et entre les villes, presque toutes en rapport avec le littoral. Mais la marine resta jusqu’au viie siècle dans l’état où Homère nous la montre. Les bateaux n’avaient pas de ponts véritables. Les navigateurs étaient à la merci des vents et des courants et ne se

  1. D’après Reuleaux, Cinématique, trad. française, 1877. Coup d’œil sur l’histoire du développement des machines, p. 213