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point la salutaire influence des milieux de tout ordre, des agents modificateurs. Aussi termine-t-il son livre par un véritable traité de la génération, dont les cinq articles ont retendue d’autant de chapitres, et sont considérés comme tels dans quelques éditions de l’Examen.

Ce complément se ressent naturellement des erreurs qui avaient cours en un temps où l’embryogénie n’était pas même en embryon. Les hypothèses suppléent à l’ignorance générale, et la théorie ne vaut rien. Mais ce n’est pas là une raison suffisante pour proscrire ce traité final, sous prétexte de décence, et l’éliminer des éditions modernes. Le médecin philosophe a complété son œuvre par un abrégé de la physiologie du mariage, en cherchant à déterminer les conditions diverses qui peuvent améliorer les produits de la conception. Qu’il se soit fait illusion sur la procréation des enfants, en insistant sur les circonstances plus ou moins efficaces de la production des sexes, des tempéraments et des facultés, on ne saurait le contester. Mais si l’on tient compte des faits observés, des observations curieuses, des réflexions opportunes, des vues fines et des ingénieux aperçus qui abondent aussi dans cette partie finale, on s’étonnera moins que l’auteur ait songé à la régénération des races par la sélection des époux, et qu’il ait entrevu pour l’humanité la possibilité d une palingénésie.

Quoiqu’il ne fût point question alors d’évolution et de transformisme, et que la terrible formule de la lutte pour la vie restât inconnue, on savait en gros bien des choses qui, n’étant point expliquées, n’étaient ni classées ni réduites en système : les bons observateurs, les médecins surtout ont entrevu des lueurs qui sont maintenant des clartés ou des lumières. Il eût été impossible d’écrire un traité de l’hérédité dans le genre de ceux que nous devons à la médecine et à la philosophie contemporaines ; mais bien des faits étaient acquis dès lors, que le progrès des siècles devait faire passer de l’empirisme dans la science.

Si les censeurs de Huarte avaient pu pressentir seulement les résultats obtenus par les éleveurs et les expérimentateurs, il est probable qu’ils auraient tempéré leurs critiques acerbes. Et qu’importe d’ailleurs que le novateur ait tiré les conséquences extrêmes de sa doctrine ? Dans l’appréciation des œuvres du passé, c’est moins le succès qui doit compter, que l’intensité et la direction de l’effort.

Tout en subissant l’influence de son milieu, Huarte a travaillé pour l’avenir, en faisant de la psychologie une science organique d’observation et d’expérience, fondée sur la connaissance de la nature humaine, et en fondant sur elle l’art de l’éducation. La sélection arti-