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j.-m. guardia. — philosophes espagnols (j. huarte)

les manifestations de la vie par l’action simultanée des milieux et la réaction des organes vivants. Naturellement l’hérédité intervient comme facteur dans l’évolution de la vie.

Telle est à peu près la substance de la doctrine fondamentale.

Qu’il ait renversé l’arche sainte, en tournant le dos aux vérités convenues, en bornant l’activité psychique, en restreignant la personnalité, en écornant le domaine du conscient, en proclamant le fatalisme organique, en chassant le surnaturel de la nature, il serait difficile de le contester. Sa vocation était de spéculer librement sur les faits réels, sans invoquer le dieu de la machine. On ne saurait le blâmer de l’avoir suivie, en usant quelquefois de subterfuges un peu trop ingénieux, par exemple, quand il allègue les textes sacrés à l’appui d’opinions puisées dans l’étude de la nature. Malheureusement, en ce temps-là, les libres esprits devaient se soumettre à la nécessité : ils spéculaient comme ils pouvaient, en essayant de ramener la raison dans le droit chemin.

L’auteur de l’Examen n’entreprend de réfuter personne, ne voulant convertir personne, ce qui est à remarquer de la part d’un novateur de la fin du xvie siècle. Il ne se sert de l’autorité des anciens que pour corroborer la sienne, en étudiant la réalité présente, tandis que la plupart de ses contemporains, rivés à la tradition, faussaient les faits réels pour les plier aux doctrines des anciens. On sait que Vésale eut bien de la peine à démontrer par les dissections les erreurs manifestes de Galien en anatomie. Encore une fois, l’autorité de Huarte repose sur le principe même de la philosophie naturelle et sur la méthode qui en dérive. Le principe consiste à voir le vrai dans le réel, et la méthode, à procéder par induction, en allant du particulier au général. Quel que soit son goût pour l’analyse subtile, il n’a point plié les faits à sa théorie ; de sorte que la partie paradoxale de la doctrine n’a point à redouter le contrôle de la pratique. Donc l’observateur a prévalu sur le théoricien, et le goût du vrai sur l’esprit de système.

Admettons que tout soit faux dans la triple conception des quatre éléments, des quatre qualités premières et des quatre humeurs ; n’attachons qu’une valeur historique à la cosmogonie orientale qui a servi de support à la physiologie des médecins grecs ; supposons que la psychologie fondée sur le trépied des facultés soit insuffisante : malgré toutes ces concessions, il faudra reconnaître l’excellence du principe qui donne un substratum à l’origine des choses, au lieu de dériver tout d’une substance inétendue, infinie, éternelle, ce qui équivaut à tirer le concret du néant ; et partant la juste conséquence d’une conception de la vie, qui assimilant le microcosme au macro-