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j.-m. guardia. — philosophes espagnols (j. huarte)

métaphysique et à toute sorte de questions plus curieuses qu’utiles. Le mieux serait de revenir simplement à la méthode analytique d’Aristote et d’Euclide, con que el entendimiento humano va siguiendo la verdad, au lieu de s’engager imprudemment dans les discussions et les disputes sans fin, à la manière des philosophes académiques et sceptiques. Toutes les arguties dialectiques ne valent pas l’étude des livres saints, des conciles, des docteurs et de l’histoire ecclésiastique. Sans en vouloir, comme les hérétiques, à la théologie scolastique, l’auteur déplore le temps perdu en vaines altercations. Entre autres réformes, il voudrait un enseignement préparatoire à la prédication ; et il indique comme modèles de l’éloquence sacrée, les Pères de l’Église grecque et latine, et les Épîtres de saint Paul.

Arrivé au bout de son rouleau, il s’excuse de sa prolixité et rappelle encore une fois, qu’il tire toute son autorité d’une longue pratique de l’enseignement et de la connaissance des anciens auteurs, qu’il cite avec sobriété, en insistant sur l’excellence de leurs méthodes didactiques, et sur l’avantage considérable qu’ils avaient sur les modernes, de s’instruire dans leur propre langue et de la savoir à fond.

Tel est, en substance, le manifeste de Pedro Simon Abril, une des œuvres les plus saines et les plus fortes de cette période de déclin. Il ne paraît pas que l’auteur se soit inspiré du livre de l’Examen. Quoiqu’il ait envisagé la question d’un autre point de vue, le réformateur humaniste ne contredit point le médecin philosophe. Au fond, ils sont d’accord ; mais le premier ne considère que les matières et les méthodes de l’enseignement, tandis que le second va plus loin : il soumet à son examen psychologique tout le public des écoles et les gens qui en sortent pour prendre rang dans la société, qui leur fait crédit sur leurs titres. L’un voit le mal, et l’autre voit les malades qui en sont atteints. Ce qu’il y a de commun entre les deux observateurs, c’est la préoccupation évidente du bien public. Pedro Simon Abril constate la maladie ; et le remède spécifique consiste, selon lui, à changer la méthode de traiter les esprits. En réalité, il n’a bien vu qu’une des causes prochaines du mal, à savoir l’ambition du diplôme, conquis par tous les moyens qui remplacent le travail et la probité.

Huarte ne pouvait pas ignorer cet état de choses ; mais suivant la méthode inductive, qui est celle des observateurs, et en particulier des naturalistes et des médecins, il voit les malades avant la maladie et il compare les différences et les ressemblances. Les malades sont, non pas les incapables, les fruits secs, comme on dit ; mais ceux,