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que toute la machine gouvernementale souffre beaucoup d’une morale aussi facile. Qu’aurait-il dit de nos jours où la morale a rompu tout lien avec la politique ? Cet honnête homme ne croyait pas que l’art de s’enrichir fût le premier de tous les arts.

La médecine lui paraît la moins déchue des connaissances, à cause de sa fidélité à la tradition des anciens maîtres, qui lui ont tracé la voie, que la pusieron en método y órden de razon. Ce qui laisse fort à désirer dans l’enseignement médical, c’est la pauvreté des démonstrations en anatomie et en matière médicale ; et ce qui manque le plus, ce sont les traductions des médecins grecs, d’autant plus faciles à faire, qu’il y a une remarquable conformité entre le grec et le castillan, de sorte qu’il serait infiniment plus utile de traduire en castillan qu’en latin. On remarquera cette réflexioii d’un helléniste de race, dont les nombreuses traductions d’auteurs grecs comptent parmi les trésors de la littérature espagnole. II faut imiter les Arabes, ajoute-t-il, qui traduisirent en arabe les philosophes et les médecins grecs. Puis, citant Terreur déplorable d’un médecin qui prescrivit de l’eau de chaux au lieu d’eau ferrée, dans une dysenterie, faute de connaître la valeur du mot chalybes, il remarque qu’il n’en serait pas ainsi, si los médicos griegos hablasen en castellano claro, y no en oscuro y barbaro latin. C’est à peine si l’usage de formuler en latin a reçu quelques atteintes en Espagne, où médecins et pharmaciens persistent encore à parler l’ancien grimoire.

Les pages les plus fortes de ce ferme manifeste sont celles qui ont pour objet le droit. L’auteur y critique durement le code de Justinien et fait l’éloge d’Alphonse le Savant, dont le recueil de lois en langue vulgaire eût frayé la voie à la législation espagnole, sans les légistes qui ont intérêt à obscurcir la loi, sans les juges qui sont le plus souvent des bacheliers ignares, ayant tout au plus quelques notions insuffisantes de grammaire, c’est-à-dire sachant très mal un peu de latin. Le jurisconsulte doit être philosophe ; le droit doit être écrit et enseigné en langue vulgaire. Il faut exiger des apprentis légistes un cours de philosophie, comme pour les médecins et les théologiens, et en particulier de sérieuses connaissances de morale. La réforme des lois devrait s’opérer par une assemblée de légistes qui élaboreraient un code, sin preambulos ni retórica, et procéderaient avec ordre et clarté, de manière à rendre inutile ce fatras de livres qui étouffent la loi sous les commentaires.

La revue se termine par la théologie. Tout en la proclamant la reine des sciences, l’auteur remarque qu’on y a introduit beaucoup de choses impertinentes. La réforme consisterait à revenir aux anciens auteurs, parce que les modernes ont ouvert largement la porte à la