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les traductions suffisent. C’est la manie de se servir des langues mortes pour traduire les langues vivantes qui a produit ce latin plat et barbare qu’on entend dans les écoles, que es el vicio que mas ha destruido la lengua latina, y transformadola en diferentes barbainsmos. On sait que le latin macaronique a de tout temps fleuri en Espagne, où les bons latinistes sont rares, même à l’époque de la Renaissance.

Après la grammaire, la logique : il appelle les deux los instrumentas de la doctrina. Qui n’a point fait de bonnes études de grammaire et de logique, péchera toujours par les fondements, de do se colige que los que estudiaren las ciencias con estos dos instrumentos estragados, harán las obras de la doctrina malas é imperfectas. La logique se doit enseigner pratiquement, en vue de l’utile, en l’appliquant aux choses ordinaires de la vie et aux affaires usuelles, pues tambien estos se tratan con buen uso y discurso de razon. Ce n’est point en vue d’elle-même qu’il la faut apprendre, mais pour en user dans les autres sciences. Que le maître se borne donc aux préceptes et aux exemples, laissant à d’autres le soin d’en faire l’application, sans y introduire des questions impertinentes de métaphysique et de théologie, comme c’est l’usage ; de sorte que, au lieu d’être un guide et une lumière, elle brouille les jeunes esprits et les égare dans un inextricable labyrinthe. Il demande que la science par excellence de la méthode soit exposée dans un ordre lumineux, de manière que l’esprit s’habitue à ranger les matières selon leur importance, et que la clarté résulte de cet arrangement, por elégante arden y concierto. Il suffirait de redresser ces deux instruments de toute connaissance, la grammaire et la logique, pour améliorer l’enseignement tout entier, au grand profit des maîtres et des écoliers : los que aprenden harian mejores obras en el aprender, y los que enseñan en el enseñar como gente que obraria con buenos y perfectos instrumentos.

L’article sur la rhétorique mériterait d’être intégralement traduit, à cause de la justesse des vues et des observations. S’exercer à l’éloquence sur des sujets imaginaires et en des langues mortes, c’est perdre son temps. Il faut apprendre à haranguer dans la langue du peuple, en cultivant les bonnes dispositions naturelles par l’application de quelques règles et un fréquent exercice. Les modèles de l’antiquité sacrée et profane, traduits en langue vulgaire, tiendraient lieu de maîtres. L’éloquence de la chaire, la seule qui fût en ce temps-là, ne paraît pas l’avoir séduit ; le fait est que de l’âge d’or des lettres espagnoles il ne reste pas un sermon qu’on doive lire. Ainsi le peuple le plus dévot de la terre n’a pas un prédicateur digne de mémoire.