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prétation littérale des livres sacrés, inspirés ou dictés par le Saint-Esprit, les procédés d’exégèse philologique qui lui avaient si heureusement réussi pour l’explication des auteurs profanes. De même Huarte, mêlant le divin et l’humain, se sert de l’Écriture Sainte autant pour le moins que des auteurs classiques de la médecine, pour élucider les points de doctrine les plus graves de la science de l’homme, ne citant pas au hasard, comme les théologiens vulgaires, qui entassent les textes, à la manière des légistes, esclaves de la lettre ; mais avec un discernement et un tact qui montrent bien, qu’en tout et partout, il obéissait à cet esprit de sélection qui lui a inspiré son Examen, et qu’on peut considérer comme le caractère propre de son génie.

Est-ce pour se prémunir contre le soupçon qu’il a invoqué tant de fois les autorités de l’Ancien et du Nouveau Testament, ou pour imposer par cet appareil sacré aux docteurs en théologie séculiers et réguliers ? On ne sait, en vérité ; mais ce qui se devine, c’est que ce rare esprit n’admettait point que le surnaturel, qui est la source et l’objet de la foi, tînt en échec le réel, d’où naît toute vérité par la révélation naturelle et incessante de la science. Si orthodoxe qu’il veuille paraître, il ramène tous les mythes théologiques à la doctrine physiologique qui explique les fonctions par les organes, et non pas les organes par leurs fonctions. C’est par la physique et la chimie vivantes qu’il résout tout problème vital. Il ne se désintéresse de rien en ce qui touche la nature humaine, et tout ce qui est de l’homme il l’explique humainement, sans recourir jamais au dieu de la machine. L’influence céleste n’est rien pour lui, à moins qu’on n’entende par là, comme il l’entend lui-même, l’action des milieux, des modificateurs externes, qui provoquent et déterminent la réaction de l’organisme vivant. C’est par la différence des tempéraments de l’homme de cour et de l’homme des champs, qu’il rend raison de la politesse et de la rusticité des deux grands prophètes Isaïe et Jérémie. C’est par la doctrine des tempéraments qu’il expose avec une hardiesse ingénieuse la parabole évangélique du mauvais riche, qui est damné au fond des Enfers, et de Lazare, le pauvre, qui se repose dans le sein d’Abraham. C’est encore par la doctrine des tempéraments qu’il esquisse la physiologie de ce roi scélérat, qui a nom David, et qui n’a pas été mieux connu que P. Bayle. C’est, enfin, par la doctrine des tempéraments qu’il analyse l’humanité du Christ, sujet, du moment qu’il se revêtit de chair humaine, à toutes les nécessités, à toutes les fatalités de l’humaine espèce. Il est probable que P. Bayle ne lui aurait pas reproché, aussi durement qu’il l’a fait, d’avoir usé d’une pièce apocryphe, s’il avait songé que, dans la per-