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j.-m. guardia. — philosophes espagnols (j. huarte)

sumée de la première édition qui a produit cette erreur, par la transposition des deux derniers chiffres du millésime (1557 au lieu de 1575). Cette édition de 1575, réputée la première, pourrait passer pour un mythe, son existence étant contestée par des bibliographes autorisés ; tandis que celle de 1580 existe réellement et a été décrite par Nicolas Antonio.

Il appartenait au compilateur qui a compris Huarte dans le volume de philosophes choisis de la collection Rivadeneyra, de faire la bibliographie de l’Examen ; mais au lieu de remplir sa tâche d’éditeur, ce rhéteur disert a préféré un long discours, où il n’y a rien à prendre, comme pour montrer une fois de plus qu’il appartient à la corporation de ces savants pour rire, qu’on appelait plaisamment, au siècle dernier, eruditos a la violeta. Pas une notice, pas une note ; pas un éclaircissement n’accompagne cette reproduction servile de l’édition de 1846. Le texte altéré, tronqué en beaucoup d’endroits, est souvent inintelligible : presque toutes les citations latines ont horriblement souffert ; les renvois aux sources sont généralement inexacts ; les références, erronées, les autorités, confondues ; en un mot, chaos et pêle-mêle. Si ce beau désordre n’est pas un effet de l’art, il témoigne à coup sûr d’une incurie, pour ne pas employer le terme propre, qui choquerait un lecteur français médiocrement Instruit ; mais on est indulgent en Espagne, et pour cause. Et la preuve, c’est que les deux récentes éditions de Barcelone, qui valent encore moins qu’elles ne coûtent, reproduisent scrupuleusement ces bévues, en les aggravant, et suppriment, on ne sait pourquoi, le dernier chapitre, le dix-huitième, qu’on pourrait comparer à la coupole de l’édifice ; comme si l’éditeur d’un ouvrage qui compte plus de trois siècles d’existence avait le droit de châtrer l’auteur. Aucune raison ne peut justifier ces procédés d’un autre âge, et rien n’est plus impertinent aujourd’hui que d’usurper les privilèges de l’Inquisition, sous prétexte de morale, à l’égard d’un ouvrage de science.

S’il faut en croire le Dr Chinchilla, Huarte dut se résigner à opérer lui-même l’expurgation de son livre, de concert avec deux commissaires du Saint-Office, frère Louis de Olmedo et frère Jérôme de Sainte-Marie, de l’ordre des frères Prêcheurs. Sa signature figure, à côté de celles de ces deux moines dominicains, dans un exemplaire de la première édition, qui devait servir de modèle pour l’impression de la seconde. Qu’est devenu ce précieux volume, mutilé, raturé, que Chinchilla avait en sa possession, et qu’il a décrit sommairement dans son article dithyrambique sur Huarte ? Si cet exemplaire