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d’Alcala (1640), que l’on croit pareille à celle que procura l’auteur lui-même en 1592. On ne sait s’il vivait encore en 1603, où deux éditions de son livre parurent simultanément en Flandres et en Espagne. Et c’est ici le lieu de remarquer que les premières éditions faites aux Pays-Bas méritent plus de confiance que les éditions espagnoles, l’éloignement de la métropole ayant permis aux éditeurs flamands et hollandais de reproduire fidèlement le texte primitif, non expurgé. Il est vrai que ces éditions étrangères n’ont pas toutes profité des modifications introduites successivement dans les éditions données en Espagne, soit du vivant de l’auteur, soit après sa mort ; car on ignore si tous les remaniements successifs sont de son fait, ou si quelqu’un, après lui, y a eu part. Certains indices pourraient faire croire à un travail posthume, notamment pour le nombre et l’ordre des chapitres. L’ouvrage n’en comptait d’abord que quinze dont le septième fut entièrement supprimé par ordre, et finit par en avoir dix-huit. Ce dernier, qui se divise en cinq articles, comptés eux-mêmes comme autant de chapitres dans certaines éditions, manque à quelques-unes, bien qu’il forme à lui seul un traité complet qui devait être le couronnement de l’ouvrage. Qui sait si quelque disciple n’y a pas mis la main ? Est-ce un continuateur qui a cru devoir tirer toutes les conséquences de la doctrine ? On sait que la manie des suites pour les ouvrages de grande réputation a particulièrement sévi en Espagne. Il se peut encore que ce dernier chapitre suspect ait été composé au déclin de l’âge, car il rappelle en plus d’un endroit l’homélie de l’archevêque de Grenade, après l’apoplexie. Lorsque la certitude fait défaut, le champ reste ouvert aux conjectures.

Voilà donc un curieux problème dont la solution pourrait tenter les plus doctes bibliographes. La question est obscure, embrouillée, des plus complexes. Tout est confus et ténébreux dans l’histoire à peine ébauchée de l’Examen. Avec des documents complets, sur les preuves valables en ces matières, on ferait probablement justice de certaines hypothèses peu raisonnables. Il semble en effet peu probable que le manuscrit fût prêt pour l’impression dès l’année 1557, comme on l’a soutenu sans le prouver. La maturité d’esprit que l’on constate à toutes les pages, sans parler de l’érudition abondante et choisie, ne permet guère de croire à une œuvre de la première jeunesse. Rarement les philosophes sont précoces ; c’est même par là qu’ils se distinguent des poètes, qui valent mieux jeunes que vieux. La méditation et l’observation veulent pour collaborateur le temps, qui mûrit les fruits de l’intelligence ; la valeur d’un auteur se mesure à la maturité de ses productions. C’est peut-être la date pré-