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REMARQUES SUR LE PRINCIPE DE CAUSALITÉ


« Le monde, disait d’Alembert, est un problème de mécanique. » Cette formule toute cartésienne est demeurée le fondement de la science moderne. Le principe du mécanisme, dans le monde phénoménal, adopté par Leibniz et par Kant, est aujourd’hui accepté par la presque totalité des savants et des philosophes. Et encore cette restriction vient-elle d’un malentendu : si M. Boutroux ou M. Renouvier s’efforcent de faire entrer la contingence et les commencements absolus dans l’ordre de l’univers, ce n’est point que la raison ou l’expérience leur semble l’exiger ; mais ils sont guidés par des scrupules moraux, et désireux de sauvegarder la liberté humaine, fondement de toute responsabilité.

Sans chercher à montrer, ce qui serait trop long, que le déterminisme le plus rigoureux n’exclut pas la morale la plus élevée et la plus complète autonomie, il suffit de constater ce consensus général des hommes de science en faveur du mécanisme universel. Rappelons que ce principe peut être également démontré par l’expérience qui, tous les jours et dans tous les faits, le constate a posteriori sans l’expliquer[1] et par la raison qui le légitime en nous le montrant comme la condition nécessaire, a priori, de la pensée et de la science[2]. Si le monde n’était pas mathématiquement déterminé, il serait inintelligible, car les mathématiques ne sont que la forme la plus parfaite des opérations de notre entendement. Or il n’est pas une science, depuis la mécanique jusqu’à la psychologie, qui ne contredise chaque jour une pareille hypothèse par le progrès de ses découvertes ;

  1. Spencer, Premiers Principes, ch.  vi, vii et viii. — Jouffret, Introduction à la théorie de l’énergie, ch.  xi.
  2. Kant, Raison pure, liv.  II, ch.  ii. Analogies de l’expérience. — Lachelier, Fondement de l’induction.