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de trois manières : 1opar l’hérédité ; 2o par le milieu ; 3o par la volonté. La première solution n’en est pas une, car une question surgit tout d’abord : d’où vient l’organisation héréditaire ? On ne peut pas non plus admettre le second, parce que le milieu ne fournit que les impressions du dehors, sur lesquelles réagit notre organisation, qui est précisément ce qu’il faut expliquer. Reste la volonté. « Si l’organisation de l’homme se modifie en dépit de ses propriétés héréditaires, en vertu de ses propres actions habituelles, et si ces changements de l’organisation sont ensuite fortifiés de nouveau par l’hérédité (dans les générations suivantes), la volonté personnelle, qui adapte l’organisation au milieu, peut seule être l’origine de ces changements, « Cette force n’est, au fond, que « l’instinct de conservation de soi », qui n’est autre chose que la vie. « La vie est l’existence de cette force active ou volonté dans les formes empiriques — d’espace et de temps. » Principe organisateur « actif » dans la nature, la volonté s’est elle-même enserrée peu à peu dans le réseau des parcelles matérielles de l’organisation physique héréditaire. La volonté individuelle « donnée », liée avec l’organisation individuelle héréditaire, dépend, à la vérité, non pas d’elle-même, mais d’une très proche manière « d’autres » volontés individuelles, dont elle s’est séparée et dont elle a tiré son origine ; mais si on prend en considération l’unité et la parenté finales de tous les organismes individuels, et par conséquent des volontés, l’affirmation que la volonté, en dépendant de l’organisation, ne dépend que d’elle-même, est parfaitement compréhensible. »

N’y a-t-il pas dans l’homme des désirs et des tendances supérieurs aux tendances individuelles, fournies par l’instinct de conservation ? Oui, selon M. Grote, au premier abord, l’instinct de conservation de l’espèce paraît en lutte avec le premier, quoique, à vrai dire, cet instinct exerce sur nous une sorte de duperie en nous poussant inconsciemment à nous développer en autrui, souvent au détriment de votre propre bien. Mais, au-dessus, sont incontestablement des tendances morales et altruistes. Elles diffèrent des instincts précédents, en ce que nous en avons conscience en les réalisant, ce qui leur donne le caractère moral, et qu’en second lieu nous ne sommes pas dupés par elles. Telles les tendances idéalistes, qui ont pour objet non plus le développement limité dans le temps et dans l’espace, mais l’éternité. Il y a donc lieu de distinguer dans la volonté initiale de l’univers deux actes : l’un négatif, tendant à la limitation de la volonté de soi dans le temps et dans l’espace ; l’autre positif, ayant pour devoir de faire sortir la volonté du monde du temps et de l’espace. Ces deux espèces de tendances sont irréductibles entre elles.

La volonté qui suit cette double direction pour réaliser les désirs et les inclinations, est-elle libre dans la détermination de ses actes finals, — les volitions ?

C’est un fait curieux que nous éprouvons les inclinations sensibles, incluses dans notre organisation, et ne dépendant pas de la « volonté