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revue des périodiques russes

psychique, éveillent un certain contenu psychique et une série de réactions de la volonté, qui ne dépendent pas de ces impressions, mais sortent de quelque autre source interne ».

On croit généralement, et M. Grote l’a cru lui-même, que les sentiments déterminent par leur force la direction des désirs, des volitions. Les physiologistes ont démontré en partie que la production du plaisir et de la douleur est liée à la quantité de dépense ou de réserve de l’action nerveuse. Supposons cependant que les sentiments dépendent du mode[1] et non de la quantité de cette action nerveuse. Cela veut dire que les sentiments servent à indiquer les rapports de l’activité psychique donnée du travail à la quantité ou à la qualité des énergies dépensées. Mais l’activité ou le travail est déjà la réaction active du sujet sur les impressions, c’est-à-dire la réaction de la volonté. La volonté sert à diriger et à régulariser nos besoins. La fatigue, qui résulte de la marche, n’est pas le signe de l’épuisement de notre énergie musculaire, comme le veulent les physiologistes, car nous savons tous que, si nous voulions aller plus loin, nous donnerions encore de l’énergie disponible. Nous pouvons encore augmenter la puissance d’effort pour le travail. On nous dira qu’il y a une limite à toute tension. Mais laquelle ? La mort ? Soit : nous savons qu’une volonté forte peut conduire l’organisme jusqu’à une telle limite, qu’il se trouve lui-même par conséquent dans les mains de la volonté, et non elle dans les mains de l’organisme. Si les perceptions, pas plus que les sentiments, ne déterminent fatalement la volonté, mais que la thèse réciproque soit vraie, quelle est la source fondamentale des inclinations et des désirs ?

Il n’y a pas volonté là où les désirs se transforment irrésistiblement, à peine apparus, en volitions, comme chez les animaux, chez les enfants d’un certain âge, chez les psychopathes ; mais seulement là où un choix conscient s’opère. Le désir est une manifestation plus consciente et plus définie que les inclinations et les tendances. Il dérive de l’instinct de conservation ; il a son origine dans l’organisation physique individuelle. Nous retombons ainsi dans un déterminisme plus complet que tout à l’heure, quand nous faisions dépendre la volonté des perceptions et des sentiments du sujet. Mais telle n’est pas la solution définitive, selon {{Grote}}. En effet, « nous avons vu que toutes les perceptions, c’est-à-dire les sensations, les représentations et les sentiments sont des états de l’énergie psychique, parfaitement différents des mouvements physiques et biologiques, qui les provoquent. À plus forte raison, il faut supposer que les désirs, les tendances, les inclinations ne sont pas de simples états de l’organisme, mais des réactions proprement psychiques, liées avec eux. » Nous avons donc à découvrir la nature et l’origine de l’organisation physique.

L’hérédité joue un rôle considérable. L’influence de « l’action » ou de « l’inaction » sur le développement de l’organe peut être expliquée

  1. Voy. l’étude de M. Grote, Du rôle du sentiment dans l’activité de l’homme.