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moins vrai que « dans son moment psychique interne une certaine impulsion motrice est l’action fatale d’un certain vouloir. Celle-ci est la conséquence de notre propre organisation psychique,… de notre volonté. » Dans l’idée, « je veux », repose déjà cette idée de la nécessité de l’acte suivant. C’est un mouvement interne qui ne peut pas ne pas s’exprimer en « mouvement externe ».

Sous quelles conditions s’établit le rapport de la volonté comme moteur ou motif à ses actes ? Il est impossible, selon M. Grote, de faire des perceptions (sensations, idées), les raisons suffisantes des volitions. Sans la volonté, l’intelligence serait impuissante à tout travail sévèrement logique, incapable d’affirmer la réalité absolue du monde. Quoique le fonctionnement de la pensée soit régi par l’application du principe de causalité, cependant ce n’est pas la loi de causalité qui peut rendre compte de sa propre application. Il faut donc admettre une activité interne de la volonté qui soit la cause de notre activité logique.

Mais, tout d’abord, examinons la nature des perceptions. M. Grote combat les théories qui n’expliquent les perceptions du sujet que par le jeu des fonctions cérébrales ; selon lui, il y a en plus l’énergie psychique interne, et il admet qu’au commencement « cette énergie était libre (non liée à l’organisme) ». Les théories de l’harmonie préétablie de Leibniz et de la réminiscence des idées de Platon sont très soutenables. Même dans l’hérédité, nous surprenons ce passage de certains états psychiques (idées, sentiments, émotions), de l’état potentiel à l’état réel, provoqué par une impulsion, à la suite de laquelle se manifestent les aptitudes héréditaires, non pas du dehors, mais du fond de nous-mêmes, où elles étaient cachées. « Quand l’homme est venu au monde, nous sommes persuadés qu’en dehors de toutes circonstances et impressions externes, il est déjà capable d’éprouver les sentiments d’amour, d’espérance, de crainte, de colère, etc. » Si cela est vrai des sentiments, pourquoi ne serait-il pas très naturel d’admettre que toute notre vie psychique est une série ou une somme d’excitations de notre énergie psychique, éprouvant ses propres états potentiellement donnés, excitations provoquées par les impulsions du dehors ? D’où tirons-nous le « contenu psychique », sinon de nous-mêmes, « car le monde extérieur n’entre pas en nous, mais ne fait que nous ébranler par ses impulsions » ? Il en résulte que toute notre conscience du monde paraît une forme particulière de la conscience de soi : l’expérience externe n’est qu’une forme particulière de l’expérience interne. L’unité finale de la conscience du monde et de la conscience immédiate est un résultat important obtenu, car Schopenhauer, à l’aide de leur distinction, veut que la conscience immédiate ne fournisse que « l’illusion » de la liberté, et il cherche dans les perceptions, qui dépendent à leur tour du caractère inné, la raison fatale du vouloir. Sans doute, il est incontestable que les actes de la volonté dépendent en un certain degré des perceptions (raisons tirées du milieu, des influences de la société, etc.) ; mais « les impressions du monde mettent seulement en marche l’énergie