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revue des périodiques russes

du rapport relativement à tous les faits de l’expérience interne. En s’appuyant sur la logique, la méthode métaphysique doit jouer dans la psychologie expérimentale le même rôle que la méthode mathématique dans l’étude expérimentale des phénomènes physiques, chimiques et en partie biologiques. C’est d’elle que dépendra dans l’avenir, non seulement la question du libre arbitre, « mais la destinée même de la psychologie », comme science expérimentale. En se fondant sur la fausseté des termes, par lesquels on désigne les attributs des phénomènes psychiques à l’aide de mots empruntés au monde externe, M. Grote assigne à la métaphysique future, « comme science », la « tâche d’élaborer la terminologie même de la psychologie » et la « question du libre arbitre est, entre autres, une des questions fondamentales de la terminologie psychologique ». Il faut donc se servir de la méthode métaphysique pour étudier le libre arbitre.

II. Détermination de cette idée. — Elle comprend deux éléments : la volonté et la liberté. La volonté est le terme général sous lequel on désigne les phénomènes, appelés « inclinations », et dont le caractère principal est l’activité. Elle se présente à nous sous la forme de « force » ou « d’agent interne » ; elle n’est pas tirée de l’expérience, mais contenue en elle. — La liberté exprime l’indépendance de cet « agent interne » relativement aux autres « agents » ou forces de la nature. Nous avons la conscience immédiate que notre volonté est libre, c’est-à-dire qu’elle est capable d’agir ou de ne pas agir, conformément à certains motifs donnés. Si dans l’idée de volonté se trouve véritablement un élément supra-sensible, un « agent » produisant certains phénomènes psychiques, il faut examiner s’il est possible qu’un tel agent soit indépendant d’autres agents, c’est-à-dire quels sont les rapports des motifs de la volonté à ses actes, ou, en fin de compte, quelle est la nature véritable des agents fondamentaux et des forces dans le monde.

Ni la loi de causalité (déterminisme), ni la loi de raison suffisante (Schopenhauer)[1] ne régissent l’esprit humain. L’idée fondamentale des rapports de la dépendance réciproque entre les phénomènes de l’expérience est l’idée de motivation.

Deux sortes de motifs entrent dans la formation de nos actes ; nos propres états internes (tendances, désirs) et nos perceptions (sentiments, sensations, idées). Nos désirs et nos inclinations en général, quand ils sont bien déterminés, ont une tendance naturelle et nécessaire à passer à l’acte. Faisant abstraction des transformations qu’ils peuvent subir sous l’influence d’obstacles externes, il n’en est pas

  1. La critique de M. Grote n’est pas absolument exacte ici, comme le montre le passage suivant :

    « En outre, nous trouvons que la motivation est essentiellement analogue aux deux autres formes de la causalité examinées plus haut, et qu’elle n’est que le degré le plus élevé auquel celles-ci atteignent dans leur évolution progressive. » Schopenhauer, Libre arb., trad. fr. Burd., p. 78.