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Autant que je m’en souviens, cette idée avait déjà été formulée et, en partie, développée avec beaucoup de sagacité, par un autre savant russe, le docteur Zelensky, dans un ouvrage formé de plusieurs volumes et qui porte un titre très compliqué. Mais c’est là une question de priorité qui ne présente qu’une importance secondaire, car l’argumentation de M. Chichkine lui appartient bien en propre, et elle est très délicate et très ingénieuse. Dans l’article que nous avons sous les yeux, l’auteur étudie spécialement, au point de vue de son hypothèse favorite, la série des mouvements qui accompagnent — et, selon quelques-uns, qui constituent — la sensation. Tels sont les mouvements dits réflexes, les phénomènes de chaleur, la redistribution moléculaire de la matière dans la direction de la force ou de l’énergie et, enfin, les divers processus chimiques, électriques, etc. L’auteur analyse en outre le phénomène si important de la mémoire ; il s’applique surtout à démontrer le mal fondé des deux hypothèses courantes, l’hypothèse dynamique développée, entre autres, par Luys sous le nom de théorie de la phosphorescence organique, et l’hypothèse statique acceptée par la majorité des physiologistes contemporains. L’article sera continué.

D. Ovsianniko-Koulikovsky. Esquisses tirées de L’histoire de la pensée. — Article substantiel, rempli de faits et de rapprochements très suggestifs. L’auteur, qui est un orientaliste distingué, se donne pour tâche d’expliquer la genèse des premières idées philosophiques de l’humanité. Il la cherche dans les temps « préhistoriques » de la philosophie, dans les livres sacrés des Hindous, les Védas. Non pas que la philosophie grecque ait jamais puisé directement à cette source ; mais les Grecs et les Hindous, partis de prémisses semblables, opérant sur les mêmes matériaux, ont dû naturellement aboutir à des conclusions identiques. L’idée suivante de l’auteur, qu’il appuie sur des faits incontestables et de longues citations textuelles, nous paraît surtout digne d’être retenue. La conscience religieuse chez tous les peuples s’est manifestée primitivement sous la forme d’une « magie » grossière qui a été le fondement du culte. C’est là l’origine des religions et, par elles, des systèmes philosophiques. Le culte primitif s’adressait au principe mystérieux de la nature, au Dieu inconnu, personnifié par le feu, dont la conception n’est qu’une longue suite de contradictions, d’antithèses ou d’antinomies insolubles. Tel est l’ancêtre lointain des plus hautes conceptions philosophiques et, plus particulièrement, de l’inconnaissable des agnosticistes modernes.

Chronique. — Cette partie du second numéro de la revue russe contient : 1o un rapport présenté par M. Tokarsky à la Société psychologique de Moscou, sur les travaux du Congrès international d’hypnotisme expérimental tenu à Paris au mois d’août 1889 ; 2o un rapport présenté à la même Société par M. Bagenoff sur les opérations du second Congrès d’anthropologie criminelle ; 3o les objections faites à ce sujet par M. Wulfert dans une séance de la Société psychologique ;