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revue des périodiques russes

sont des faits complexes, des mélanges, dans lesquels ces éléments entrent dans des proportions différentes. C’est la prédominance d’un de ces éléments, appelé vulgairement raison, qui constitue l’acte rationnel ou libre. On voit clairement par là combien il est nécessaire de reprendre le problème de la liberté à la métaphysique, pour le placer exclusivement sur le terrain psychologique. — Ces vues sont développées par l’auteur avec beaucoup d’habileté et un talent d’exposition très réel.

N. Grote. Qu’est-ce que la métaphysique ? — Un trait caractéristique de l’époque où nous vivons est le retour de certains milieux, de certains groupes sociaux au mysticisme, le besoin de croire sans comprendre, d’affirmer sans pouvoir ni vouloir prouver, qui s’empare des esprits que leur culture intellectuelle aurait dû, semble-t-il, préserver des attaques de cette hystérie d’un nouveau genre, comme on a appelé cette disposition morale qui tend à se généraliser, qui n’épargne ni la jeunesse des écoles, cette réserve de l’avenir, ni la génération des hommes mûrs qui « font l’histoire » courante. On a dit que c’était là une mode, une élégance, un cri, quelque chose qui passera avant l’hiver prochain, surtout si le Chat Noir s’en mêle. Il est certain qu’il y a du vrai dans cette appréciation, et que la mode, qui est un facteur social qu’on ne doit pas sous-évaluer, a effectivement passé par là. Mais la mode a suivi la maladie, comme cela a eu lieu pour la grippe de cet hiver, par exemple ; elle ne l’a pas créée. Or, « le vague à l’âme, la religiosité équivoque et fuyante » est un malaise, une faiblesse psychique qui sévit un peu partout en Europe et dont l’apparition et les progrès n’ont rien qui doivent nous étonner. Tout sociologiste un peu versé dans les lois de l’histoire pouvait prédire ce phénomène et lui assigner cette fin de siècle comme théâtre.

Ne sait-on pas, en effet, que, dans ce genre d’études, il y a lieu de considérer les générations qui se suivent pendant cent ans au moins, quand l’évolution est rapide, et deux siècles et plus, quand elle est lente, comme un seul homme, selon l’expression de Pascal ? Et n’est-il pas évident, d’autre part, que l’homme du xixe siècle, fils lui-même d’un siècle agité et surmené, s’est dépensé, s’est épuisé en efforts intellectuels et moraux ? La lassitude, le dégoût, l’apathie, le relâchement des fibres du caractère, et, dans la sphère intellectuelle, la niaiserie, une sorte de gâtisme momentané et superficiel, sont venus à la suite de cette tension immodérée et prolongée des principaux ressorts de l’âme. Un temps de repos mental est devenu absolument nécessaire ; je crois, pour ma part, que nous sommes en train d’en goûter actuellement tous les charmes, et je n’en veux pour preuve que l’accueil reçu l’autre jour à l’Association des étudiants par de « nobles paroles » qui, depuis, ont fait le tour de la presse européenne sans exciter, à l’égard de celui qui les a prononcées, comme cela aurait infailliblement en lieu il y a à peine vingt ans, le moindre sentiment de commisération. « Il