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revue des périodiques russes

en train de liquider ; l’agnosticisme moderne en est un exemple frappant. — Dans la seconde moitié de son article, M. Iwantzoff tâche d’arriver à une définition de la philosophie qui soit idéale ou typique, comme il l’appelle en opposition avec les définitions réelles ou concrètes. Distinguant la philosophie de la science, il définit la science « un organisme (terme qui nous semble impropre et qu’on pourrait facilement remplacer par les expressions : connexus ou système) de connaissances sur le monde et l’univers », et la philosophie : « un organisme de connaissances et de conceptions », visant le même objet, c’est-à-dire s’étendant à tous les phénomènes, à toutes les formes de l’existence. Mais ce terme de « conceptions », qui différencie la philosophie de la science en élargissant le domaine de la première au point de lui faire embrasser le domaine scientifique comme une de ses parties intégrantes, est vague et ne signifie absolument rien s’il n’est pas expliqué et précisé à son tour. Aussi M. Iwantzoff s’empresse-t-il de nous dire qu’il entend par ce mot toutes nos idées et nos représentations qui, dans l’état actuel du savoir, ne sauraient prétendre à une vérification rigoureusement expérimentale. Les « conceptions » de M. Iwantzoff ne sont donc pas autre chose que les « hypothèses invérifiables » que nous avons si souvent déclaré (et nous n’avons pas été les seuls, heureusement) être le contenu essentiel de toute théologie et de toute métaphysique. M. Iwantzoff, d’ailleurs, n’entend nullement perpétuer ou éterniser la métaphysique. Il trouve, et il nous semble avoir quelque peu raison sur ce point, que sa définition de la philosophie présente un double avantage : elle permet de différencier actuellement la philosophie de la science, sans exclure la possibilité ou l’espérance de les voir s’identifier dans un avenir très éloigné, sans doute, mais concevable, alors que toutes nos idées deviendront scientifiques et que le concept de l’inconnaissable — source et origine première des hypothèses philosophiques — aura définitivement fait son temps. Cette dernière thèse m’est personnellement trop chère pour que je n’exprime pas ici, en terminant ce compte rendu sommaire du beau travail de M. Iwantzoff, la vive satisfaction que j’éprouve en la voyant adoptée et défendue par un savant de son mérite.

L. Lopatine. Le problème éthique et sa position dans la philosophie contemporaine. — Après avoir constaté la multiplicité des tentatives qui sont faites journellement pour déterminer la portée exacte du problème moral en philosophie, et avoir rendu un juste hommage au talent et à l’érudition des écrivains qui ont traité ce sujet, l’auteur, qui est professeur de philosophie à l’université de Moscou, déclare nettement que tous ces efforts ont été vains, que les résultats obtenus ont été absolument négatifs, et que le problème moral a été le plus souvent dénaturé et obscurci dans son essence même. Selon lui, la nouvelle philosophie et, en particulier, l’évolutionnisme, ont eu le tort impardonnable d’écarter de leur investigation les facteurs idéaux, les conceptions absolues du bien moral et du libre arbitre. Il faut revenir sur ces