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ANALYSES.p. ceretti. Saggio circa la ragione logica.

Ces deux forts volumes ne font que le premier volume et les Prolégomènes d’une œuvre très ample que l’auteur devait publier par la suite. Ce premier volume avait déjà paru en 1864, en latin, avec le titre de Pasœlogices specimen et sous le pseudonyme de Theophilus Eleutherus. Pourquoi en latin ? Parce que l’auteur considérait cette langue comme la seule convenable pour traiter de philosophie comme science universelle. Or le latin qu’il employait était un étrange mélange de tournures classiques, de manières de parler scolastiques et d’une grande abondance de termes tout ta fait modernes, ce qui ne rendait pas très facile la compréhension d’un système assez complexe et obscur en lui-même. L’auteur perdait doublement à ne vouloir écrire que pour un petit nombre de penseurs, qui eux-mêmes auraient quelque peine à le lire. Il y perdait surtout l’avantage de prendre sa place dans le développement de la pensée italienne, et peut-être une place d’honneur parmi les hégéliens de son pays. Cette œuvre aux proportions gigantesques, qu’il se proposait d’élever à la gloire de l’hégélianisme, n’est pas la tentative du premier venu. Quoique si profondément opposée de tendances à celles qui devaient prévaloir quelques années plus tard, elle annonçait un esprit large et à certains égards profond.

Ces Prolégomènes se divisent en deux parties : l’une est une étude préliminaire de la spéculation faite selon la pensée hégélienne, et l’autre est une exposition sommaire du système de Ceretti, qui devait constituer une réforme de l’hégélianisme. Tout d’abord nous trouvons la fameuse distinction hégélienne de l’en soi, du par soi, et les trois moments du processus méthodique : position, réflexion, conception, et, par rapport à la Notion ou Idée : notion posée, notion réfléchie, notion conçue. La première embrasse l’esthétique humaine ou l’art, et l’esthétique divine ou la théologie ; la seconde embrasse l’histoire naturelle (nature) et la science spirituelle (esprit) ; la troisième embrasse la philosophie proprement dite dans son histoire et dans sa systématisation.

En ce qui concerne l’art humain, Ceretti parle sommairement des principes de l’architecture, de la sculpture, de la peinture, de la musique, de la poésie sous ses formes épique, lyrique et dramatique. Relativement à l’art divin, il considère Dieu sous les trois aspects d’infini, de fini, d’absolu. Relativement à la science de la nature, celle-ci est l’idée extériorisée, l’idée dans sa manifestation sensible : elle est distinguée, à peu près comme dans Hegel, en nature mathématique (ou mécanique), physique et organique. Enfin l’esprit est résigné comme l’unité de l’idée et de la Nature, et étudié comme subjectif, objectif et absolu. À cette histoire spirituelle se rattache l’étude de la notion conçue, de la spéculation philosophique dans sa conception générale, dans ses formes dogmatique, sceptique et idéaliste, dans tous les grands systèmes philosophiques, depuis ceux de l’Inde et de la Chine jusqu’à l’hégélianisme, qui les complète et les couronne tous, qui est le système définitif, bien que susceptible encore de perfectionnement.