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ANALYSES.münsterberg. Beitraege zur Psychologie.

autres soient mesurées (en fait il est tout au moins exact qu’ordinairement on ne mesure la chaleur, le temps, etc., que d’une manière indirecte, au moyen de longueurs), voici le principe qui seul permet de comprendre que la mesure de sensations musculaires puisse arriver à remplacer ainsi la mesure directe des autres sensations par elles-mêmes : c’est qu’il soit postulé que les variations et variétés de ces dernières sont soumises aux mêmes lois que les variations et variétés des sensations musculaires qui leur correspondent. C’est ainsi qu’on postule en réalité inconsciemment que les augmentations de la chaleur, c’est-à-dire de la chaleur directement perçue par le sens de la température, progressent suivant une loi identique à celle de la progression de la dilatation, et, dans la pratique, de la progression de l’allongement du liquide thermométrique. Or ce postulat suppose non seulement la mesure directe de la dilatation, c’est-à-dire la comparaison d’étendues déterminées avec une unité d’étendue, mais encore la mesure non moins directe des progressions de la chaleur, c’est-à-dire la comparaison directe de températures les unes avec les autres.

Ajoutons maintenant que ce postulat est sujet à critique, qu’on peut prétendre qu’il n’y a pas en réalité correspondance parfaite entre les variations de nos diverses sensations : ainsi, supposons quelqu’un plongeant sa main et en même temps un thermomètre dans un vase contenant de l’eau à une température déterminée ; il pourra arriver qu’au bout de quelque temps le thermomètre monte légèrement, auquel cas un physicien, constatant cette élévation avec ses yeux, dirait que la température de l’eau a augmenté ; tandis que la sensation ressentie par la main pourra n’avoir pas changé, auquel cas on devrait dire, en dépit des affirmations du physicien et au nom d’une science plus rigoureuse que la sienne, que la véritable température, la température spécifique, sentie par le sens de la température, n’a pas changé. Cette question des rapports entre les variations coexistantes ou susceptibles de coexister des diverses sensations présente, croyons-nous, un intérêt fondamental pour la psychophysique, et on peut même se demander si l’opposition établie dans la formule de la loi de Weber entre la sensation et l’excitation ne se ramène pas, au fond, à l’opposition entre les variations de certaines sensations et celles de certaines autres : en effet, l’excitation n’est-elle pas elle-même connue par des sensations ?

Notons encore que la théorie de M. M., si elle était exacte, nous conduirait à la conclusion suivante : 1o si les intensités ailleurs que dans le sens musculaire sont de simples qualités, 2o si les intensités de la sensation musculaire ne sont elles-mêmes, comme il l’affirme expressément[1], que des durées, bref s’il n’y a nulle part d’intensités, pourquoi donc a-t-on, même dans le langage populaire, distingué nettement

  1. « Die stärkere Empfindung enthält ia sich die schwächere insofern die scheinbare Intensitätsabstufung nur längere oder kürzere Dauer einer gleichbleibenden Empfindung bedeutet. » (S. 34.)