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ANALYSES.münsterberg. Beitraege zur Psychologie.

meuvent librement ; 2o un œil est caché, l’autre se meut librement ; 3o les deux yeux fixent un point situé au milieu entre les deux distances à comparer, etc. Voici les principaux résultats qu’il signale : on exagère la distance située à gauche, et on rapetisse celle qui est située à droite ; ce fait s’expliquerait, selon lui, notamment par l’habitude que nous avons de lire et d’écrire de gauche à droite, habitude qui rend l’effort musculaire requis pour diriger l’œil dans ce sens moins grand ; — les images situées à la périphérie de la rétine seraient accrues aussi bien dans le cas où elles sont radiales que dans le cas où elles sont tangentielles ; — notre œil droit allonge les distances droites, notre œil gauche les distances gauches ; — dans les expériences où un certain intervalle de temps s’est intercalé entre la vue des distances à comparer, M. M. a pu constater que l’erreur constante est moindre si les distances à comparer se recouvrent que si elles sont placées l’une à côté de l’autre ; — il n’est pas absolument vrai qu’une distance linéaire paraisse plus grande que la même distance limitée par deux points : en effet, cela n’a pas lieu si ces distances, au lieu de se suivre, comme dans les expériences ordinaires, sont séparées ; avec de grandes longueurs, les distances vides paraissent même plus grandes que les mêmes distances linéaires ; — pour que la distance verticale paraisse plus grande que l’horizontale, il faut, a constaté M. M., trois conditions : 1o qu’il s’agisse de distances vides ; 2o que la verticale fasse en haut son angle droit avec l’horizontale ; 3o que les yeux se meuvent librement ; quant aux lignes verticales et horizontales, l’exagération de la verticale ne se produit qu’avec de petites distances ; avec de grandes distances, c’est l’horizontale qui est jugée plus grande qu’elle n’est réellement ; — l’erreur variable moyenne est plus grande avec les yeux fixes qu’avec les yeux mus : M. M. voit là une preuve convaincante que toute appréciation de grandeurs n’est qu’une appréciation de l’intensité de sensations musculaires ; car il est clair, selon lui, que « les mouvements exécutés réellement fournissent des éléments d’appréciation plus précis que les sensations simplement reproduites dans le souvenir, quand l’œil est fixe » (179) ; M. M. ici semble ne pas remarquer que la rétine fonctionne elle-même autrement dans le cas d’immobilité des yeux que dans celui de mobilité, et que par conséquent la différence qu’il signale peut s’expliquer, sinon complètement, au moins en partie, par cette différence dans l’action rétinienne ; — la sensibilité différentielle est plus grande dans la vision binoculaire que dans la vision monoculaire, pour les distances verticales que pour les horizontales, pour les objets semblables que pour les objets différents, etc. ; — M. M. conclut enfin de ses expériences que la loi de Weber vaut dans le cas de mensurations visuelles.

Les expériences de M. M. paraissent avoir été faites avec soin et sont en somme intéressantes. Mais la théorie qu’il essaye d’en tirer ou plutôt de confirmer par elles, savoir que la mesure visuelle est une simple comparaison de sensations musculaires, paraît bien difficile à prouver.