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ANALYSES.a. bordier. Pathologie comparée de l’homme.

phie de l’espèce humaine au point de vue qui le concerne. On ne comprend les phénomènes humains de toute sorte, anatomiques, physiologiques ou sociologiques, qu’à la condition de les suivre autant que possible dans la série animale et même dans la série des êtres organisés. M. Bordier s’est inspiré de ce besoin ; c’est ce qui rendra la lecture de son livre éminemment profitable à tous ceux qui s’intéressent à la science de l’homme et qui s’y intéressent philosophiquement plutôt que pratiquement.

Il n’y est guère question de diathèses, du génie épidémique, de la coction des humeurs ni de tout le vieux bagage métaphysico-médical, des « anti-circulateurs » modernes. En revanche, une grande place a été donnée aux travaux de Pasteur, car l’étude des microbes et de leur culture artificielle dans des conditions de milieu exactement déterminées, de leur culture dans le milieu intérieur des animaux et des conditions qui facilitent ou empêchent cette culture a complètement transformé la pathologie non sans profit pour la thérapeutique.

L’auteur s’est constamment placé au point de vue de la doctrine du transformisme, spécialement à propos des parasites et des modifications que le milieu fait subir aux individus. Chaque chapitre de son livre apporte, comme il le dit, un argument en faveur de cette seule explication scientifique des phénomènes de la nature. Il convient de signaler principalement, sous ce rapport, le chapitre intitulé : les Microbes et le Transformisme, où, considérant le grand nombre de générations de microbes que peut en quelques jours manier l’expérimentateur, M. Bordier montre « que, dans ce monde microscopique où, toutes proportions gardées, nous disposons du temps dans une mesure qu’il ne nous est donné nulle part ailleurs d’atteindre, nous avons les preuves expérimentales de la réalité du transformisme ». Passons de suite à la conclusion générale du livre, qui est assez courte pour pouvoir être reproduite ici :

« La matière vivante est une. Groupée momentanément sous la personnalité d’un végétal et sous celle d’un animal, elle obéit aux mêmes lois ; le masque humain lui-même ne nous confère aucun privilège ; le processus pathologique qui préside à la formation de la galle du chêne est le même que celui qui organise les tubercules dans le poumon d’un homme, et si l’homme possède un trait caractéristique, ce n’est guère que la vanité qui le pousse à se mettre en dehors du reste de la faune. « Qu’on me fasse entendre, dit Montaigne, sur quels fondements l’homme a bâti ces grands avantages qu’il pense avoir sur les autres créatures. Qui lui a persuadé que ce bransle admirable de la voûte céleste, la lumière éternelle de ces flambeaux roulant si fièrement sur sa teste, les mouvements espouvantables de cette mer infinie soient établis et se contiennent depuis tant de siècles pour sa commodité et pour son service ? Est-il possible de rien imaginer de si ridicule, que cette misérable et chétive créature, qui n’est pas seulement maîtresse de soi, exposée aux offenses de toutes choses, se die maîtresse et empé-