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ANALYSES.a. hovelacque. Nègres de l’Afrique.

En somme, le P. de Bonniot s’est proposé d’établir les deux thèses suivantes : 1o qu’il existe en nous un principe spirituel distinct du corps, et séparable, lequel est en rapport immédiat avec nos organes et leur imprime des mouvements ; 2o que des images semblables aux choses extérieures s’imprimant dans les organes des sens, l’âme à son tour reçoit l’impression de ces images, comme le cachet reçoit celle de la cire (p. 175), et par là connaît exactement tel qu’il est l’objet extérieur qui a agi sur le corps auquel elle est unie. Ces deux thèses, le P. de Bonniot les croit vraies. Peut-être aurait-il dû commencer par se demander si elles sont seulement intelligibles. Descartes, Malebranche, Leibniz, Berkeley, vingt autres encore, s’il avait pris la peine de les consulter, lui auraient bien montré qu’elles ne le sont pas. Mais tous ces grands esprits ne sont probablement que des « sophistes ». Le P. de Bonniot a cru que seules ces thèses étaient conciliables avec les grands principes de la doctrine chrétienne et de la vie morale, et il est parti en guerre pour les défendre ; car, on ne peut pas dire le contraire, son livre est un livre de combat beaucoup plus que d’étude. C’est là un grave défaut de méthode. La philosophie, comme la science, ne peut être ni chrétienne ni antichrétienne. Elle est la philosophie, c’est-à-dire la libre recherche de la vérité, et c’est tout. Si, sous prétexte de l’éclairer, de l’arracher à ses incertitudes et à ses erreurs, on la subordonne à une puissance étrangère, par le fait même on la supprime. La religion répond au besoin d’adorer et de croire, la philosophie au besoin de raisonner et de chercher ; ce sont donc deux domaines absolument séparés. Le P. de Bonniot n’a pas compris que le philosophe repousse les vérités toutes faites, et que les seules qui aient du prix pour lui ce sont celles qu’il a découvertes et comme créées lui-même, sous la seule garantie de sa raison toujours faillible et toujours incertaine. Là est le caractère dominant et, qu’on nous permette de le dire, le défaut capital de son livre.

Charles Dunan.

Abel Hovelacque. Les nègres de l’Afrique sus-équatoriale. (Bibliothèque anthropologique, t.  IX.)

Ce livre est une description des nègres de la Sénégambie, de la Guinée, du Soudan et du Haut-Nil, qui forment un ensemble ethnique généralement distinct des peuples nigritiques sous-équatoriaux. Il est divisé en deux parties.

La première contient les monographies successives de soixante-deux populations différentes : Wolofs, Sérères, Féloups, Baniouns, etc. La seconde partie est consacrée à l’ethnographie générale de ces mêmes populations. L’auteur y traite successivement des caractères anatomiques, du vêtement et de la parure, des mutilations, de l’habitation, du mariage, de l’esclavage, de l’état politique, des castes, des associa-