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ANALYSES.de bonniot. L’âme et la physiologie.

lisme, beaucoup plus que le matérialisme, qui est mis en cause. Quant au second livre, il n’y est plus question du tout ni d’âme, ni de physiologie, mais de déterminisme et de morale. C’est donc vraiment un second ouvrage juxtaposé au premier, présenté au lecteur sous le même titre et faisant partie du même volume, mais sans aucun rapport avec le premier, sauf en ce point que tous deux, dans la pensée de l’auteur, ont pour objet commun de venger la raison, la morale et la religion également outragées par toutes les mauvaises doctrines. Cela laisse l’impression que l’ouvrage total laisse quelque peu à désirer comme composition.

Quant aux idées qu’expose le P. de Bonniot, elles ne sont pas bien nouvelles, lui-même en convient. Mais il n’a pas songé à faire une œuvre originale ; il s’est contenté de rajeunir de vieilles thèses et de vieilles réfutations, d’abord en leur donnant pour appui la physiologie, ce qui est effectivement très nouveau et très digne d’encouragement, mais surtout en les assaisonnant d’un bon sel gaulois qui doit infailliblement, à ce qu’il pense, mettre les rieurs de son côté. Le malheur est que les récriminations les plus acerbes ne contiennent pas toujours les raisons les plus convaincantes, et vraiment le P. de Bonniot a un peu trop de tendance à exécuter les doctrines qu’il n’admet pas par une simple accusation portée contre l’intelligence ou contre la sincérité de ceux qui les soutiennent. Les mots ineptie, puérilité, et surtout sophisme ridicule, reviennent constamment sous sa plume. On dirait un article polémique de l’Univers. Tous ceux qui ne pensent pas comme le P. de Bonniot, idéalistes, matérialistes, déterministes, etc., sont couramment traités de « sophistes ». Ce sont des gens qui « ont la haine innée de la vérité » (p. 267). Ce sont là des mœurs philosophiques qu’on ne saurait approuver, et qui fort heureusement sont devenues rares de nos jours. Nous n’avons point de conseils à donner au Rév. Père ; et pourtant nous ne pouvons nous empêcher de regretter qu’il n’ait pas apporté plus de modération et de respect de ses adversaires dans la défense des convictions très respectables qui l’animaient. Revenons à la doctrine.

La réfutation que l’auteur donne du matérialisme n’a rien de bien original, disions-nous il y a un instant. Ce n’est pas un reproche. Pour apporter du nouveau sur une pareille question, il faudrait la transformer de fond en comble, et pour cela, probablement, faire appel à ces affreuses doctrines qui rattachent la matière à l’esprit, et dont le P. de Bonniot a horreur plus encore peut-être que du matérialisme lui-même. Donc ce qu’il s’agit de prouver, c’est l’existence d’une âme spirituelle, distincte du corps et agissant directement sur les organes. Cela étant, on conçoit que les arguments présentés, soit pour la défense du spiritualisme, soit pour la réfutation de la thèse contraire, ne puissent guère différer de ceux que l’on rencontre dans tous les manuels ad usum juventutis. L’auteur en a cependant quelques-uns qui paraissent lui appartenir en propre. Ainsi il fait remarquer que,