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constitue en effet la propriété caractéristique de l’espace euclidien, et, cette propriété admise, tous les postulats ordinaires peuvent être démontrés. Or il faut avouer que, de prime abord, ce postulat de l’homogénéité paraît s’imposer avec une autorité bien plus grande que tous les autres, car il semble invinciblement lié au caractère purement relatif de l’espace ; mais, comme nous l’avons dit, cet espace homogène est distingué des autres par la valeur d’un coefllcient, qui est infini pour lui et fini pour tous les autres, et ce coefficient est une grandeur géométrique constructible dans un espace quelconque, en sorte que toutes les grandeurs de l’espace correspondant n’ont point une valeur absolue, mais lui sont essentiellement relatives, exactement comme les figures tracées sur une sphère ont des dimensions relatives à son rayon.

Ce fait, celui d’espaces à trois dimensions finis, et l’impossibilité de faire entrer une figure dans un espace à trois dimensions autre que celui où elle a été tracée, impossibilité qui existe de même quand on considère deux espaces à deux dimensions, semblent indiquer que, rationnellement, les espaces à trois dimensions sont inclus dans un espace à quatre dimensions. On arrive au même résultat quand on considère que rien n’empêche d’étudier des espaces à trois dimensions qui ne soient pas identiques à eux-mêmes, absolument comme les surfaces identiques à elles-mêmes ne sont pas les seuls espaces à deux dimensions. Nous ne voyons d’ailleurs rien qui impose le postulat des trois dimensions, pour qui ne voit dans l’espace qu’un système de relations, quel que soit d’ailleurs leur caractère objectif. M. Renouvier nous opposera bien que ce n’est plus faire de la géométrie, et il l’oppose même quand il ne s’agit que d’espaces non euclidiens à deux ou trois dimensions ; mais cette objection ne nous touche pas, par la raison que nous reconnaissons l’impossibilité de fait d’établir une géométrie à plus de trois dimensions, vu que nous n’avons aucune image qui y réponde en quoi que ce soit, ainsi que le caractère purement schématique des images des figures non euclidiennes, caractère qui n’empêche cependant pas le raisonnement géométrique d’avoir prise sur elles. Ce qui nous importe, ce n’est point de ne rien devoir aux notions dues à la forme réelle de notre sensibilité, car nous n’avons jamais contesté qu’elles nous sont indispensables pour la constitution d’une géométrie quelconque, mais de reconnaître que cette forme pourrait être autre qu’elle n’est, tout en conservant des lois rationnelles générales ne relevant que du prin-

    pose précisément sur le terrain que nous regrettions de ne pas voir occupé par M. Renouvier.