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conception euclidienne, on ne saurait construire un espace, c’est-à-dire que, sans ses postulats, aucune géométrie n’est possible. Il importe de montrer que ce second moyen manque, comme le premier, aux criticistes.

M. Renouvier prétend que l’habilude s’est prise peu à peu, par des causes accidentelles et qui n’ont rien de profond dans l’histoire de la science, de faire au postulat du parallélisme un sort différent de celui qu’ont reçu d’autres demandes qui répondent également à des propositions indémontrables autant qu’indispensables. En ce qui concerne la géométrie générale, telle que nous la comprenons, nous soutenons au contraire qu’elle rejette indistinctement tous les postulats. Voyons donc quels sont ceux qu’elle admet d’après M. Renouvier : nous constaterons qu’ils se divisent en deux classes composées, l’une, de propositions parfaitement démontrables, et l’autre, de véritables postulats que nous rejetons au même titre que celui des parallèles. La discussion est d’autant plus indispensable que maints philosophes de premier ordre, tels que MM. Liard et Rabier[1], citent, à la suite de M. Renouvier, qui a déjà traité ce sujet dans sa Logique, les mêmes propositions démontrables comme étant de véritables postulats.

M. Renouvier met d’abord en avant ce qu’il appelle le postulat de la perpendicularité, formulé dans les termes suivants : Si sur un point commun à deux droites on fait tourner l’une d’elles autour de l’autre sans sortir de leur plan, parmi toutes les positions qu’elle occupera dans ce mouvement, il y en aura une pour laquelle les deux droites formeront entre elles quatre angles égaux placés deux à deux de chaque côté de chacune.

Pour démontrer nettement cette proposition, il convient de la décomposer en deux autres : 1o étant données une droite et une demi-droite issue de l’un des points de la première, si l’on fait tourner la demi-droite dans un même plan autour de ce point, d’un côté seulement de la droite entière, parmi toutes les positions qu’elle occupera dans ce mouvement, il y en aura une pour laquelle les deux angles formés seront égaux[2] ; 2o si, la demi-droite formant deux angles égaux avec la droite entière, on la prolonge de l’autre côté de celle-ci, ce prolongement formera avec elle deux angles égaux entre eux et égaux aux deux précédents.

Pour démontrer le premier théorème, il suffit de remarquer que,

  1. La science positive et la métaphysique. — Logique.
  2. Ce mouvement est possible, le plan étant, par définition, une surface identique à elle-même.